Stop please, just let me go... ~ [Daisuke]

Comme chaque mercredi soir, Makoto avait rendez vous avec son dealeur. Un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux blonds mi-longs, et qui s'interrogeait encore aujourd'hui sur l'âge du client. Celui-ci avait toujours gardé cela secret, il n'avait pas envie de passer pour un gamin, même si le dealeur ne changerait surement pas ses habitudes, il ne devait pas avoir envie de perdre un client aussi régulier qui paye toujours en cash ou en nature. Et cette semaine, ils avaient décidé d'échanger dix doses contre un peu de sport dans un buisson. Disant oui sans hésitation, Makoto était allé l'attendre à l'heure des retrouvailles, sous un chêne assez massif du parc. Il était centenaire, d'après un morceau de papier qui décorait la grille du jardin public. Le jeune homme était sûr de ne jamais pouvoir vivre aussi longtemps. Tout ça allait le tuer avant son vingt cinquième anniversaire, s'il continuait à un tel rythme. Mais pourquoi rester ? Il était presque sur que personne n'allait pleurer sa disparaition. Peut etre son dealeur, et son patron, mais ils l'oublieraient vite, trop vite. Il irait voir sa mère, avant de rentrer chez lui. Il avait besoin d'elle, mais elle était si loin désormais...

A deux heures du matin, précisément, le gamin pénétrait dans un buisson accompagné de son vendeur de cames. Les doses étaient déjà bien à l'abris, dans le sac de Mako. Et comme toujours, ce moment fut long, douloureux, et très inconfortable. C'était à lui de faire tout le boulot. Il se retrouvait assis sur les cuisses de l'homme. Heureusement qu'il n'avait pas une réputation d'étalon ou d'homme endurant, cela facilitait la chose. Après cinq bonnes minutes, Makoto était laissé seul dans le buisson, rhabillé sommairement, le boxer en place, mais son micro short toujours ouvert et à mi-cuisses. Son haut dénudait son épaule, ce tshirt large et usé avait été complètement déformé par le temps. Il ouvrait alors sa bague, laissant un cachet qui s'y trouvait, roulait au fond de sa gorge, et il poussait un soupire de bien être se faire entendre. A cette heure, personne ne trainait par ici en règle général...

Makoto glissait lentement dans son monde. Celui-ci n'était rempli que de sucreries et de bonheur irréel. Le jeune homme n'y risquait rien, il était au sein d'un monde de guimauves et de sucres d'orge. Il avait mis sa tête en arrière, regardant les branches qui dansaient devant ses yeux. Le bruit de la brise dans les feuilles n'avait plus du tout la même sonorité désormais, c'était comme le doux son d'un carillon régulier. Des sons plus ou moins aigus qui auraient fais surement grimacer d'autres spectateurs, mais pas le jeune homme. Ce sont lui rappelés la voix de sa génitrice. Elle avait été doté d'une voix plus fuette que la moyenne, et elle partait facilement dans les aigus quand elle était touchée, émotionnellement.

Mais une voix brisait cette pleinitude qui coulait dans le corps de Makoto, celui-ci ne détournait pas la tête, se moquant bien de pouvoir voir son interlocuteur. Le petit brun relevait juste son bassin pour faire glisser le short en place. Il le refermait pas, avant de rouler en boule sur le flanc, recroquevillé comme un animal blessé et solitaire. Sa voix était douce, il avait toujours si calme, surtout quand il venait de prendre une dose..

" Qu'es-ce que tu me veux ... ? "

Il lançait un petit coup d'oeil à la silhouette qui s'était rapproché, mais dans son état, l'autre homme ressemblait plus à une chose très aléatoire, beaucoup trop sombre pour son monde fantastique. Il posait une main sous sa joue, entre elle et le sol. Il en profitait pour se mordiller légèrement le petit doigt... Allez comprendre pourquoi.

Même si la mort était venue en personne le chercher, Makoto ne s'en serait pas méfié dans son état. Il gardait le regard fixe vers l'homme qui semblait s'accroupir. Le jeune homme fermait les yeux quelques secondes. De la compagnie ? Cet inconnu serait-il aussi seul que lui, ce soir ? Ou il avait assisté à l'échange commercial entre le dealeur et sa victime, et il avait envie d'y avoir droit ? Le petit brun rouvrait les yeux, l'effet de la drogue bien trop présent pour réfléchir, il entrouvrait les lèvres, comme pour parler, mais il ne contrôlait même pas ses mots.

" J'avais besoin... de doses... et c'est le seul endroit où j'accepte d " échanger " avec mon dealeur.. "

Makoto n'avait jamais voulu que l'homme vienne chez lui, il ne lui faisait qu'à moitié confiance, et se retrouver à la rue à cause d'un enfoiré de vieux profiteur de camés, ça ne lui donnait que très peu envie. Il roulait à nouveau sur le dos, laissant ses bras s'étendre, prenant la position d'une croix, les yeux plantés vers la danse carillonaire des branches.

" Toi aussi, t'es tout seul... ? "

A quoi bon ête prudent ? Mourir par la drogue ou être tué pour qu'on lui vole les petites économies qu'il avait sur lui, il se demandait ce qui était le moins triste. Ses yeux se promenèrent le ciel, tombant sur une lune pleine et blanche à lui en faire plisser les yeux, dans son monde, la lune ne représentait qu'une gêne dans un monde tout sucré. Cet astre agressait ses yeux, et il les reposait sur l'homme qui grognait.

" Pourquoi tu grognes... ? T'es un animal ou quoi ? "

Makoto n'avait jamais rencontré de vampires, et ils ne l'intéressaient pas plus que ça, il faisait sa vie. Il tendait la main vers la jambe de Daisuke, y appuyant avec son index, comme pour vérifier s'il était aussi ' vivant ' que lui. Il répétait alors le geste sur sa propre jambe. Il n'y avait pas vraiment d'explication, dans son état, Mako aurait pu raconter des choses complètement irréelles... C'était juste pour se donner une impression de similitude.

Les bêtes ? Si, en général, il aimait bien les bestioles, surtout celles au sang froid, bizarrement. Il avait toujours aimé les serpents, mais il se demandait ce que pouvait ben faire ressentir une morsure. Sentir le venin se répandre dans ses veines et provoquer une mort lente ou si vive qu'il ne pourrait la voir venir.

" J'adore... les crocs des serpents... "

Makoto laissait ses ongles mi-longs, glisser sur sa cuisse nue, la griffant légèrement sans s'en rendre compte. Mais il ne portait pas vraiment d'attention à son interlocuteur, encore moins à son visage, Mako était obnubilé par l'herbe à côté de son visage. Et puis, question pâleur, Makoto n'était pas en reste... Il avait un teint blaffard et ses veines étaient plus que voyantes et bleutées.
Mais l'inconnu lui proposait un chocolat... ou une boisson. Il avait deviné le point faible du plus jeune ou quoi ? Le gamin se redressait alors, à genoux, une main sur la cuisse de l'homme.

" Je veux... "

Il se penchait alors jusqu'à l'oreille de son vis à vis, murmurant d'une voix douce et joyeuse.

" Du lait chaud avec de la guimauve dedans... "

Il posait son front chaud contre l'épaule du vampire, les yeux clos. Le cachet lui donnait toujours un peu de fièvre, surement une réaction de son système immunitaire pour survivre à de tels traitements.

Makoto était presque surprit de recevoir une marque d'affection d'un inconnu. S'il avait été un chat, il aurait pu ronronner au simple contact des doigts dans ses cheveux puis sa nuque. Il restait les yeux clos, le front collé à l'épaule de l'autre homme. Il devait se lever ? Pour aller au chaud ? Mmh.. Il se demandait si l'homme allait l'amener dans un endroit remplis de sucreries... ça serait vraiment bien. Il se redressait, avant de s'appuyer sur l'épaule de Daisuke pour se relever.

" Pourquoi t'es gentil comme ça ? "

Peu lui importait la réponse, en fait, il l'aurait suivi puis qu'il lui proposait de lui offrir de la guimauve. Il aimait la guimauve. Presque autant que la drogue. Une fois complètement debout, il refermait son short qui commençait à glisser à nouveau sur ses cuisses. Il remit même en place son haut. Il regardait l'autre homme.

" Et c'est quoi ton prénom... ? "

Il était pas sur de s'en souvenir à son réveil, mais au moins, pour ce soir, il pourrait l'appeler par son prénom.

Envie ? Mais d'où venait-il ? Peut être du pays merveilleux que s'inventait Makoto dans chacun de ses états de trance, peut être que ce Daisuke n'était qu'une illusion et que le jeune homme allait se réveiller sous le chêne centenaire. Il avait envie de croire à ce mirage le temps qu'il allait pouvoir durer. Il le suivait du regard, il se relevait donc.

" Et toi.. Tu vas bien en profiter à un moment, non.. ? "

Il se moquait bien que Daisuke profite de lui, en fait, il était même plutôt charmant pour une illusion. Il se laissait sagement guider par l'homme, sentant sa main dans son dos, mais il ne lui répondait que bien plus tard, oubliant quelques secondes son prénom. Il regardait alors le ciel, comme pour y trouver la réponse.

" Makoto... "

Rapidement, ils entrèrent dans un combini, et le petit brun restait accroché à l'autre homme, tenant le bas de son haut. Il n'aimait pas être regardé par les vendeurs, il avait toujours l'impression d'être jugé. Mais il avait le sentiment que pour une fois, Daisuke attirait tous les regards à sa place. Il ressortait avec son paquet de guimauves, le serrant contre lui comme une peluche.

" Où on va pour le lait... ? "

Il se demandait s'il allait juste lui prendre du lait chaud dans un distributeur ou peut être l'amener chez lui ? Ou peut être ailleurs.. ? Il n'avait aucune idée.

Il avait besoin de compagnie ? Pourtant Daisuke n'avait rien à voir avec le gamin qu'était Makoto. Il ne semblait ni pauvre, ni seul et ni désespéré. Dai ressemblait à un homme mélancolique. Avant tout. C'était peut etre ça ? Mako lui rappelait peut etre quelqu'un, ou bien sa jeunesse. Il ressortit de ses pensées complètement floues au mot ' hotel ' ... Ouais, il paraissait bien trop gentil, cela cachait forcément un truc. Mais s'il voulait juste coucher, il aurait pu le faire dans le parc, Makoto n'était même pas du genre rebelle... Il attendait alors à côté de la réception, ayant l'impression d'être une simple prostituée aux yeux du maître d'hotel. Celui-ci devait plutôt imaginer que le gamin allait servir de casse coûte, mais soit.

Le petit brun se retrouvait en quelques secondes devant l'ascenseur, et l'autre homme se voulait ' rassurant ' ? De toute façon, il ne se serait pas enfuis, on lui proposait sa boisson préférée, et peut être une bonne nuit de sommeil dans un hôtel luxueux. Il montait d'un pas net dans l'ascenseur, se callant dans le fond, regardant le plus vieux d'un air neutre mais tendre.

" Je suis pas du genre à avoir peur des inconnus.. "

Il haussait les épaules, serrant le paquet de guimauves. Il fermait les yeux, laissant un fin sourire se glisser sur ses lèvres. Il avait toujours aimé la sensation qu'offrait un ascenseur en fonction..

Sa mère lui avait toujours demandé de faire attention, et puis qu'elle s'inquiétait, Makoto le faisait, mais désormais, elle n'était plus là, et cela ne vallait pas la peine de faire attention pour soi, si on n'a aucun ami qui prend des nouvelles. Il suivait alors l'homme dans la chambre. Il laissait ses chaussures dans l'entrée, refermant la porte.
La chambre pour toute la nuit ? Une chambre comme ça devait quand même couter cher, mais Daisuke la lui offrait pour la nuit. Mako restait au milieu de la pièce, posant les guimauves sur une table basse.

" Je veux prendre un bon bain... "

Attrapant le bas de son haut, il avait bien envie d'un bain chaud, avec plein de mousse, en même temps qu'il buvait sa boisson préférée.

" Tu peux même venir dans le bain, si tu veux. Mais faudra en sortir pour me servir mon lait chaud avec mes guimauves. "

Mais en ni une ni deux secondes, le petit brun était déjà partit se faire couler un bon bain, y mettant tout produit capable de mousser.

Makoto avait ouvert l'eau chaude, pour remplir sa baignoire, alors qu'il y vidait en même temps un liquide violet qui semblait être du bain moussant. Il posait ses fesses sur le rebord de la baignoire, regardant Daisuke entrer dans la pièce. Il semblait vraiment s'intéresser à Makoto, et celui-ci en était touché. Il passait sa main dans ses cheveux, avant de retirer sa bague, en faisant un petit sourire triste.

" Quatre ans. "

Il relevait les yeux vers lui.

" Et toi ? Depuis quand tu ramasses les âmes errantes .. ? "

" J'ai dix neuf ans. "

Makoto ne voyait pas l'utilité de mentir à son interlocuteur. Il redescendait peu à peu de son état de transe, et il commençait à s'intéresser réellement à Daisuke. Cet homme avait l'air si mystérieux... Mais en même temps, il paraissait d'une certaine manière : fragile.
Mais le nombre donné par l'homme le fit sourire puis rire. Dai aurait plus de cinq cent ans ? La bonne blague ! Personne ne peut vivre aussi longtemps. Ou si... une créature que sa mère voyait souvent...

" Tu es un.. "

Makoto fut coupé dans ses paroles, le garçon d'étage venait de sonner à la porte.

" Mon lait vient de sonner. "

Il se mettait dos à Daisuke, retirant son haut puis laissant tomber son short au sol...

Makoto se demandait s'il avait vu juste. Daisuke était un vampire ? Mais pourtant, il ne collait pas à l'image des vampires qu'il avait croisé dans son enfant, dans la chambre de sa mère. Ils étaient tous sombres, avec des airs de grand méchant, et surtout avec une lueur lubrique dans les yeux. Ce n'était pas le cas de Dai, du moins, aux yeux de Mako, l'homme était loin de leur ressembler. Il le laissait aller répondre, alors qu'il entrait nu dans le bain.
Un fin soupire franchit ses lèvres. La chaleur faisait atrocement du bien à son corps frigorifié. Cela devait bien faire un mois qu'il ne prenait que des douches froides, alors il en profitait. Il jouait avec la mousse pendant que Dai revenait dans la pièce pour tout lui déposer à portée de mains.

" Merci M'sieur ~ "

Il attrapait la tasse fumante, soufflant sur la surface du liquide blanc. Il lançait un regard en coin, pour voir l'autre homme. Il avançait alors dans la baignoire, de manière à lui laisser assez de place pour venir s'installer dans le bain.