You. || Kaoru

Kaoru poussa un soupir las en entendant les réponses de Toshiya. Il était vraiment borné. Kaoru douta un instant de sa capacité à supporter un enfant pareil pendant... 2 siècles? Impenssable. Il tira nerveusement sur sa cigarette, s'empêchant de retenir Toshiya. Maintenant, il avait froid aux jambes, et ne savait plus quoi faire de ses mains. Un grand enfant de 400 ans... Jusqu'à 10 ans, passe encore. Le manque d'expérience des gosses les empêche d'être vraiment insupportables. Mais 400 ans... Un enfant avec de la culture, des arguments, et une connaissance irréprochable du monde... Un véritable calvaire.
Il s'imagina un instant devoir cornaquer Toshiya, comme le ferait un père ou un grand frère, et ôta vite cette idée de son crâne. Il finirait par lui claquer la tête contre les murs. Il souffla de frustration en constatant que sa cigarette était terminée, et en tira un seconde du paquet -Qui, évidemment, n'était pas interminable. Pouvait-il se permettre...?

"Toshiya... Tu me laissera d'autres paquets, pour ce soir? Enfin ce jour?"

Il retint un nouveau soupir de lassitude en se rendant compte qu'il devrait tôt ou tard s'accomoder du mode de vie de Toshiya. Se coucher en même temps que lui, se lever en même temps aussi... Quand verrait-il le ciel? Kaoru aimait l'aurore et la vesprée. La nuit en elle-même n'avait aucun charme à ses yeux. Son regard glissa vers le ciel obscur, et il se surprit à vouloir y plonger.

"Un gamin de 400 ans.. Je suis quoi, moi? Un embryon?"

Toshiya avait lui aussi finit sa cigarette, et regardait Kaoru en prendre une autre, pour finir le paquet. Son humain lui demandât s'il pourrait lui laisser des clopes pour la journée. Hochant la tête, le grand brun partit vers sa chambre, sortir une cartouche pour en prendre 3 paquets et les jeter de manière négligée sur la table. S'appuyant de nouveau contre la fenêtre, regardant la lune il se mit à sourire en entendant les pensées de ce pauvre garçon qui se languissait de revoir le jour. S'approchant de lui, reprenant place sur ses genoux en prenant le menton de l'esclave entre ses doigts, il répondit froidement à sa question qu'il trouvait bien arrogante:

-Non. Tu n'est rien. Et moi non plus je ne suis rien. 400 ans sur une éternité, c'est comme être même pas encore conçu.

Lâchant son menton pour caresser la joue avec sa main froide, contemplant étrangement le jeune homme, le vampire finit par se pencher pour voler un léger baiser du bout des lèvres à l'esclave. Par pur réflexe. Il s'en voulut bien vite, tournant au rouge tomate, rougissant comme une collégienne et lui affligea donc une gifle, sans véritable raison avant de pester avec un air insolent:

-Et arrêtes d'être arrogant avec moi.

Kaoru fut très surprit de voir revenir Toshiya avec trois paquets de cigarette dans les mains. Il n'en demandait pas tant, mais était agréablement étonné de voir que le vampire répondait à ses demandes incorrectes avec gentillesse - Si c'en était. Il le remercia d'un humble hochement de tête, et tira avec un plaisir non-feint sur la clope qu'il avait à la main. Cependant, sa satisfaction fut de courte durée ; il eut un mouvement de recul quand le ton de Toshiya redevint froid, presque méprisant, alors qu'il reprennait place sur ses genoux. Il dut d'ailleurs écarter vivement sa main, craignant de brûler son propriétaire. Les mains dudit propriétaire étaient de fait possessives, et il lui fut très désagréable d'être ainsi jaugé par le vampire. Ses mots, quant à eux, lui tirèrent une grimace étrange, mélange de tristesse et d'inconfort. Il détestait penser à l'immensité du monde alors que lui n'était qu'une chose minuscule et impuissante -Face au temps, face aux dieux qui existent peut-être, face au Savoir. Face à Toshiya, même s'il n'était pas plus important dans l'infini de l'Existence.
La suite se déroula si rapidement, et de façon si absurde, que Kaoru ne put concevoir ce qui poussait Toshiya à agir ainsi. La caresse fut éphémère, le baiser fugace, et la gifle fulgurante. Les émotions se succédèrent si vite qu'il ne put que porter sa main à sa joue en regardant fixement Toshiya, cloué sur place par son comportement incohérent. Il l'avait vu rougir puis se mettre en colère, et supposa qu'il avait regretté son geste. Un pincement au coeur le fut se reculer pour s'éloigner de la source de ce malaise.

Le ton qu'avait prit Toshiya, hautain et injustement méprisant, avait glacé son esprit. Il s'était prit un instant à vouloir gifler à son tour le vampire, mais serra seulement les dents en le considérant froidement. Plus encore que ses paroles ou son attitude, c'était sa manière de fuir ses propres actes qui l'agaçait. Il tira une dernière taffe avant d'écraser sa clope, s'appuyant sur le vampire au passage ; avant de se redresser et d'approcher son visage du sien. Il n'avait pas été arroguant. Il ne l'avait été à aucun moment. Mais si Toshiya voyait dans sa sincérité de la provocation, il ne lui restait plus qu'à l'être réellement - Qu'importe ce qu'il puissa en penser.

Il prit à son tour le visage de Toshiya entre ses mains, et dit sans sourire, avec toutefois une lueur de malice dans ses orbes sombres:

"Est-ce si désagréable, de m'embrasser?"

Il est vrai que le vampire n'était pas toujours très cohérent dans ses gestes, ses paroles... aussi, quand il vit Kaoru se rebeller un peu contre lui, il se sentit... vivant pour la première fois depuis longtemps. C'était la première fois qu'un homme lui tenait vraiment tête, et il devait bien avouer qu'il trouvait ça plaisant. D'habitude, quand un homme le dominait, c'était bien vite finit et c'était de la baise pure et simple, sans prise de tête. Il n'avait pas à parler à un amant après, il ne réclamait pas d'affection, il voulait juste tirer un coup et c'est tout. Pas besoin qu'on retienne son anniversaire, l'autre pouvait garder ses chaussettes et était dispensé de lui dire des mots doux.

Avec Kaoru, c'était différent. Cet humain avait du caractère, ça lui plaisait qu'il lui désobéisse, qu'il transgresse les règles et qu'il passe la barrière entre le maître et l'esclave. Dégageant son visage parfait des mains de l'humain, ne le repoussant pas pour autant, il prit une cigarette qu'il alluma.
Avalant la fumée, prenant le menton du jeune homme délicatement entre ses longs doigts fins il lui fit ouvrir la bouche, soufflant sa fumée dedans, lui volant un autre baiser au passage.

-Non, c'est plutôt agréable même.

Le lâchant, s'enfonçant dans son canapé pour être à l'aise, il ne lâchait pas le regard de son homologue tout en fumant lascivement.

Kaoru se laissa faire, non parce qu'il comprennait les intentions de Toshiya et les acceptait, mais parce qu'il était sidéré par ses réactions. Le vampire était étonnemment lunatique, et n'avait jamais le même comportement d'une fois sur l'autre - Alors qu'il s'attendait à une nouvelle réprimande, son propriétaire réitérait le baiser interdit.
Il lâcha un léger soupir de lassitude et soutint le regard de Toshiya. Il lui semblait qu'il ne pourrait jamais comprendre les motivations de ce dernier, et encore moins les suivres. Le problème du vampire, finalement, n'était peut-être pas qu'il repousse de lui-même la compagnie des autres ; il était tellement lui, tellement entier, que bon nombre de personne devaient se sentir écrasées sous tant de personnalité. Quant aux autres, ceux qui s'approchaient de l'être qui les fascinait, leur conscience devait se soustraire pour laisser place à la seule volonté du Vampire, jusqu'à ce qu'ils en meurent, ou qu'ils abandonnent. Kaoru rompit leur contact visuel pour contempler le ciel nocturne, et tira une longue bouffée de nicotine. Il avait totalement changé de vie d'un jour à l'autre, et peinait à croire qu'il allait devoir la partager avec un homme - Un vampire - tel que Toshiya. Il espérait que sa faculté à ne pas se laisser influencer et sa forte conscience de sa propre existence lui permettrait de rester quelqu'un, même aux côtés de son charismatique propriétaire...

Toujours sans regarder Toshiya, il lâcha d'une voix rauque:

"Préfères-tu m'embrasser, ou me frapper? Pourquoi faire les deux? Pourquoi... Sembles-tu toujours chercher à revenir sur tes pas?"

Tu n'iras jamais bien loin de cette manière, qu'importent tes voyages, ton savoir et ta beauté. Tu ne seras jamais quelqu'un, si tu n'es pas capable d'avancer.

L'embrasser ou le frapper? Pourquoi pas les deux? Mais en fait, il aurait préféré que ce soit le contraire, que ce soit Kaoru qui le frappe. Souriant avec un air pervers à ses pensées masochistes, fumant toujours aussi lascivement en contemplant l'humain qu'il trouvait particulièrement beau pour un mortel, il se mit à glousser en entendant ses pensées. Qui a dit que le vampire voulait avancer dans la vie? Il avait le temps, sur toute une éternité!

-Qui t'a dis que je voulais avancer, Kaoru? J'ai le temps de grandir, j'ai toute l'éternité pour ça, je n'ai que 400 ans. 433 précisément. Comparé à de vampires qui sont de la génération de l'ancien, je suis un enfant.

S'approchant toujours de son humain de compagnie, montant à califourchon sur ses genoux en passant ses bras autour de son cou, le vampire s'amusait à provoquer un peu Kaoru.

-Puis, pourquoi ne pas embrasser et frapper à la fois? ça peut être intéressant. Après tout, le sadomasochisme, on peut le prendre comme un principe qui est de frapper avant d'entrer...

Se penchant de nouveau pour frôler les lèvres du jeune homme, avec un petit sourire pervers, Toshiya finit par murmurer d'un souffle froid contre les lèvres chaudes et charnues de l'autre:

-Mais dans ce cas là, je préfère me faire frapper.

Continuant toujours ses provocations, prenant les mains de l'autre pour les posées sur sa taille serrée dans un corset il continuait de le fixer avec son air froid, un petit sourire en coin, les mains posées sur le torse.

Kaoru ne put s'empêcher de froncer les sourcils en entendant la réponse de Toshiya. Il avait l'impression que le vampire cherchait sans arrêt à justifier son comportement immature - Comme s'il n'en tirait aucune fierté. Pourtant, il resta coît et le fixa froidement. Il le trouvait presque ridicule, à agir ainsi. Il n'y avait aucun mal à refuser de se comporter comme un adulte responsable, mais excuser cette attitude en mettant cela sur le compte de son immortalité, Kaoru trouvait cela réellement ridicule. Vivre éternellement ne ralentissait pas la maturité. Le fait que Toshiya se serve de sa condition de vampire pour se permettre d'agir comme un enfant l'agaçait et le decevait. Il ne lui reprochait pas d'être comme il était, au contraire. Ni de refuser de grandir, d'ailleurs - Lui-même regrettait sans cesse son enfance trop vite perdue. Il fut néanmoins tiré de ses sombres hypothèses sur l'état d'esprit de Toshiya en percevant la suite de ses paroles. Son visage se détendit brusquement, tant sa surprise fut grande, et il contempla le visage du vampire avec un air d'hébétitude complète.

Totalement sidéré par la nouvelle lubie de Toshiya, il gardait une main suspendue devant ses lèvres, oubliant le fait qu'il avait voulu tirer une bouffée de sa cigarette. La bouche de Toshiya à quelques millimètres des siennes proféraient des mots qu'il n'aurait jamais voulu entendre ; et bien que les frissons fussent extatiques il repoussa violemment le vampire et se dressa sur ses jambes. Kaoru lui jeta un regard glacial, non pas méprisant mais empli d'une déception sans borne. Plus que ce que Toshiya avait osé lui dire, sans complexe aucun, c'était son comportement qu'il l'avait mit dans un tel état de rage. Sa voix, enrouée par la colère, tomba lentement.

"A quoi est-ce que tu joues? Tu crois peut-être pouvoir me séduire en agissant comme une pute? Garde tes murmures obscènes et tes caresses libidineuses pour les prétendants qui te lèchent les orteils et le cul avec ferveur. Si tu dois m'embrasser ou me frapper, fais-le. Mais pas comme ça."

Il tenta de reprendre son souffle et posa une main sur sa poitrine ; son coeur battait bien trop vite et la douleur qu'il ressentait, si étrangère et incongrue, le terrifiait.

"Tu avais dit que tu ne ferais pas ça avec moi. Je n'aurais pas dû te croire."

Il voulut se détourner, mais pour aller où? Il ne concevait pas non plus de quitter Toshiya sur ces paroles. Il ne savait ni ce qu'il attendait, ni ce qu'il désirait. Le simple fait de s'être exprimé le plongeait dans une désagréable confusion. Mais Kaoru ne regrettait aucun des mots qu'il avait prononcé. Il ne parvenait toujours pas à croire que Toshiya puisse aimer l'idée qu'il le frappe...Le reste lui tira une grimace dégoûtée. Jamais.

Se laissant repousser, tombant sur son canapé sans rien dire, le vampire prit une cigarette pour la fumer calmement, avec arrogance, ignorant les paroles de Kaoru. Fallait pas avoir les nerfs fragiles pour supporter Toshiya, et en quelque sorte, c'était un peu un test ~

Se passant la langue sur les crocs de manière sensuelle en le regardant dans les yeux, le beau brun lui accorda un petit sourire pervers pour dire avec insolence:

-J'ai menti. Maintenant tu sauras qu'on ne fait pas confiance à un vampire. Tu devrais me remercier pour cette leçon, plutôt que de me repousser.

Insolent, arrogant, insupportable ce vampire. Prenant le bouquin, il se mit à le lire sans prêter attention à Kaoru qui devait bouillir de colère! Tant mieux, c'était le but. S'il l'énervait assez, Kaoru finirait certainement par péter un câble, et prendre naturellement la place de mâle dominant. C'était le but de la manoeuvre.

Kaoru se passa une main sur les yeux pour fuir l'attitude insupportable de Toshiya. Il tremblait presque de colère, et serrait les poings de rage. Il avait beau chercher une alternative à cette situation désagréable et gênante, il ne pouvait que rester debout et entendre le vampire tourner avec négligence les pages d'un livre -Qu'il devait connaitre par coeur. La cigarette, qu'il avait écrasée entre ses doigts, tomba sur le sol sans un bruit et Kaoru se laissa à son tour tomber à genoux - Mais pas d'une façon vulgaire ou désordonnée, non. Il le fit avec grâce, sans regarder Toshiya, indifférent à son comportement. Le vampire l'avait provoqué depuis le début, et contrairement à leur première conversation, il ne sentait aucune sincérité dans ses paroles - Il se trompait peut-être. Durant toutes ces années, il avait répondu aux insultes et aux provocations par le silence. Cela n'allait pas changer parce qu'un pseudo-être vivant aussi beau qu'un fossile conservé dans la merde se targuait d'être une pute salace et masochiste.

D'un geste lent, il saisit le paquet de cigarette et en sortit une énième cigarette, qu'il alluma rapidement avant de rejoindre Toshiya sur le canapé. Il posa sa main sur la joue du vampire pour sceller son regard dans le sien, et rétorqua d'une voix froide.

"Merci. Dorénavant, je ne t'accorderais plus ma confiance. Ni à toi, ni à quiconque. Bonne lecture."

Une fois cela dit, il se releva promptement et s'approcha de la fenêtre pour s'y assoir, les jambes dans le vide. Peu lui importait que Toshiya ne soit finalement qu'un type dépourvu d'intérêt ; Kaoru n'avait jamais aimé les Hommes - Ni les vampires, et la déception avait vite laissé place au mépris. Et si jamais Toshiya décidait de continuer ce petit manège, il ne se prendrait pas au jeu. Comme un enfant, il semblait déterminé à réitérer éternellement la même bêtise dans l'espoir de faire craquer ses parents, et de parvenir à ses fins ; et Kaoru n'avait pas l'intention de jouer au papa.
Pas dans le sens où Toshiya l'entendait, en tout cas.

Boudant légèrement, finissant sa cigarette c'est sans un bruit qu'il s'approcha de l'humain, pour venir s'assoire à côté de lui sur le rebord, et se blottir. ça ne marcherai pas, il n'aurait pas Kaoru comme ça, il devait changer son plan.

-Pardon Kaoru.

Les excuses du vampire étaient sincères. Si c'était pour rester avec un esclave qui tire la gueule, il préférait mettre son orgeuil démesuré de côté et s'excuser poliment. C'était sans doute mieux, une ambiance un peu moins tendue, ils devaient se supporter au quotidien, alors il fallait faire avec, et faire en sorte que tout se passe pour le mieux.


-Pardonne moi s'il te plaît, j'ai réagi comme un gamin égoïste.

Kaoru poussa un soupir de lassitude en entendant les excuses de Toshiya. Pourtant, il ne fit aucun mouvement visant à l'éloigner du vampire - Bien malgré lui, il appréciait l'étreinte fragile de ce dernier, ainsi que la légère caresse de ses cheveux ébènes dans sa nuque. Il plongea son sombre regard dans l'infini ciel nocturne, avant d'oser prendre dans ses mains celles de Toshiya. Il dessina du pouce les contours de ses phalanges, perdu dans la contemplation de la nuit.
Que Toshiya s'excuse ne le soulageait ni ne le contentait - Il regrettait simplement de ne pouvoir les recevoir à leur juste valeur. Non pas qu'il ne croit pas en leur sincérité, mais puisqu'à aucun moment il n'en avait voulu au vampire, elles n'avaient pas d'impact sur lui. Si ce n'est que le fait que Toshiya mette de côté sa fierté épique lui faisait caresser l'espoir qu'il puisse être honnête...
Il pencha son visage sur Toshiya et poussa un nouveau soupir. Il avait l'impression d'être un adulte face à un enfant turbulent ; un adulte trop moralisateur et trop sec, coincé dans ses préceptes ennuyeux. Il était pourtant incapable de se défaire de son recul vis à vis du monde et des hommes, et portait un regard trop critique sur l'être qui se blotissait dans ses bras... Presque naïvement. Toshiya était si complexe qu'il craignait de ne jamais le comprendre - Et encore moins l'accompagner pendant de longues années. Un éclat de tristesse alluma fugacement ses iris ternes, et il souffla d'une voix rauque:

"Je ne t'en voulais pas. Je suis seulement incapable de penser à ta manière. Quoi que tu dises, je ne pourrais jamais m'empêcher de croire que tu es sincère - Il m'est trop difficile de concevoir qu'un homme puisse mentir. D'autant plus que je garde la certitude que tu n'agis pas pour ton plaisir, mais par pure provocation... Cela me parait si absurde..."

Il reprit lentement sa respirtation, et serra ses doigts sur la paume ouverte de Toshiya.

"La seule chose que je sais, la seule chose qui me donne envie de rester près de toi, c'est la solitude qui se dégage de ton aura... Elle est si semblable à la mienne que je crois la comprendre. Elle me donne l'impression de pouvoir être moi, même à tes côtés. Et d'être en sécurité."

Kaoru était un adulte particulièrement enfantin. Rester avec Toshiya était probablement la pire des choses à faire - Un vieil homme immature et provocateur côtoyant un enfant indifférent et trop mature, ce ne pouvait qu'apporter des ennuis. Kaoru ne se sentait pas capable d'affronter l'incommensurable besoin de paternité qu'avait Toshiya, et pourtant il ressentait l'improbable désir de lui apporter cette stabilité qu'il demandait inconsciemment - Ou pas, d'ailleurs.
Il décida finalement que tout cela était trop compliqué ; pourquoi ne pas laisser simplement faire le temps? Ils en possédaient plus qu'il n'en fallait.

Toshiya écoutait attentivement les paroles de Kaoru. Cet enfant débordait de sagesse! Le vampire en restait consterné, béat. Il appréciait les mains chaudes de Kaoru dans les siennes, si froides. Regardant la nuit avec lui, souriant doucement, il se remit à le fixer ensuite. Il lui plaisait cet humain, il le voulait, et il l'aurait, il se savait... Il y arriverai par n'importe quel moyen! Il en avait séduit des plus coriaces.

Il avait un besoin constant d'attention, et c'était tombé sur Kaoru. Il allait devoir s'occuper de Toshiya, le faire grandir un peu... Il lui faudrait sans doute beaucoup de courage, de patience et de fermeté avec le vampire.

Soupirant doucement en se blotissant un peu plus, réclamant un vrai câlin, te vampire dit calmement:

-Je t'aime bien Kaoru. On apprendra à se supporter... nous, les deux solitaires. Toi, le gamin plus mature qu'un vieux vampire, et moi, le vieux vampire narcissique immature qui passe son temps à provoquer.

Kaoru ne put retenir un sourire à l'entente des mots de Toshiya. Ce dernier semblait pleinement conscient de son immaturité - Qui sonnait comme un défaut -, et cela étonnait l'humain. Pas le simple fait qu'il en soit conscient, non, mais que Toshiya le sache tout en étant incapable d'agir contre ça le stupéfiait. Peut-être était-il simplement trop seul, ou trop en manque d'amour pour parvenir à corriger ses défauts. Peut-être n'en voyait-il pas l'utilité... Toutefois, sa remarque laissait entendre qu'il avait l'intention de le garder à ses côtés. De faire de lui plus qu'un esclave... Ce dernier point troublait Kaoru, qui s'était habitué à avoir affaire avec des vampires narcissiques, égocentriques -Tout comme Toshiya l'était- mais surtout, méprisant envers sa mortelle personne. Ce vampire là semblait voir en lui bien plus qu'un objet ou qu'une proie.


"Toshiya... Tu vas faire de moi un vampire, n'est ce pas?"

Cette idée le terrifiait. L'éternité le terrifiait. Mais surtout, l'inquiétait le fait que Toshiya le fasse par pur égoïsme. Quand bien même il le ferait pour ne pas voir mourir Kaoru, ce serait déplaisant. Mais, étrangement, Kaoru avait peur de ce qu'il pourrait advenir de Toshiya s'il venait à disparaitre... Le simple fait de l'imaginer seul, regardant le ciel nocturne comme ils le faisaient actuellement ensembles, l'emplissait d'inquiétude. Toshiya ne méritait pas de souffrir de son immortalité.

Le vampire fut surpris de la question du jeune homme. Soupirant doucement, allant chercher une cigarette il fit rentrer Kaoru à l'intérieur. Une fois celui-ci assis sur le canapé, Toshiya s'allongea en posant sa tête sur les genoux de l'humain, allumant une cigarette pour fumer lentement en réfléchissant. Il ne voulait pas être seul, et il savait que Kaoru était son esclave et que donc il devait en théorie lui obéir...

-Pas pour l'instant. C'est comme un cadeau empoisonné l'éternité.

Les mots choisit étaient simples, mais résumaient bien la situation... Le pire des cadeaux qu'on pouvait faire! ça semblait beau au début de vivre des siècles durant en gardant un cors jeune et beau, de ne plus craindre la maladie ni quoi que soit avec pour seule condition de ne pas aller au soleil... mais l'éternité rendait fou. Fou à lier.

Kaoru ne parvenait à profiter de la présence de Toshiya. L'atmosphère était trop tendue, le sujet de discussion trop désagréable. C'était presque triste, de parler d'éternité et de solitude. Ca le serait sûrement si Kaoru était capable de ressentir sa tristesse sans l'analyser froidement. De fait, au lieu d'être soulagé par la réponse du vampire, il ne fut que perplexe. Il glissa ses doigts dans les cheveux de Toshiya, et entreprit de lui caresser la tête - Tout en le décoiffant allégrement, bien que cet aspect de la chose ne l'effleure même pas.

"Dans 20 ans, je serais un homme. Dans 40 je serais un vieillard. C'est si peu pour toi, qui seras toujours à l'aube de ta vie... Alors que j'en serais déjà au crépuscule. 40 ans te suffiront pour oublier ta solitude? Et que seront 40 ans dans l'immensité de ton existence?"

Non pas que Kaoru souhaite faire changer Toshiya d'avis, bien au contraire. Mais la logique du raisonnement du vampire ne tenait pas debout, et cela l'agaçait. Non, vraiment, il ne parvenait pas à le comprendre.

Toshiya se serait bien volontiers mis à ronronner aux caresses de l'humain dans si cheveux si il avait été un chaton. Peut importe que Kaoru le décoiffe... Il savait qu'un homme décoiffait tout le temps, et puis... Il avait toute l'éternité pour se coiffer s'il en avait envie. Il appréciait ses caresses, fermant les yeux, souriant en coin en écoutant parler Kaoru. Sa voix l'apaisait et le rassurait. Il est vrai que généralement Toshiya aimait les hommes avec des voix graves... Mais celle de Kaoru l’envoûtait totalement. Il aurait pu rester là des heures à l'écouter parler...

Quand l'humain avait finit sa tirade, Toshiya n'avait pes envie de répondre de suite. Il sentait l'ambiance tendue entre eux, et n'avait aucune envie de l'électriser encore plus... Certes, il n'attendrait peut être pas 20 ans s'il prenait la décision de faire de Kaoru un vampire, et encore moins 40, mais bien 5 ans au moins, à moins que Kaoru ne lui en fasses la demande avant. Finissant doucement sa cigarette, appréciant chaque bouffée il l'écrasa pour qu'elle aille rejoindre les autres dans le cendrier qui débordait déjà. A eux deux, il faudrait aviser pour avoir assez de clopes, Kaoru semblait fumer autant voir plus que Toshiya.

-J'attendrai pas 20 ans. 5 ou 10 ans peut être. Ou alors tu restera humain, et tu mourra bien avant moi... à moins que je décide de me foutre en l'air, mais c'est quand même peu propable. C'est égoïste, mais je dois aussi apprendre à me débrouiller seul non? T'es humain, tu seras pas toujours là pour moi...

Mais cette idée de perdre Kaoru l'effrayait. Il avait vu tellement de monde mourir! Il avait déjà commencer à s'attacher au jeune homme, alors dans 60 ans... préférant ne pas y penser, il se mit à grogner et à fermer les yeux, remuant un peu la tête pour indiquer à Kaoru de ne pas s'arrêter.

Les dernières paroles de Toshiya étaient pleines d'un fatalisme amer qui angoissa Kaoru. Il ne cessa pas ses caresses pour autant, et les mouvements du vampire contre sa main le dissuadèrent encore plus de cesser ses tendres gestes. Il approfondit légèrement l'appui de ses doigts sur sa tête pour masser lentement le cuir chevelu - Lui-même adorait se le faire, et il ne doutait pas que l'effet apaisant de ce contact calmerait Toshiya. Après un moment de silence relativement long, accompagné d'une réflexion au sujet de sa potentielle transformation, il se décida enfin à répondre - Parler autant ne le lassait pas, mais il était si peu habitué aux conversations qu'il s'étonnait d'avoir encore la force de renchérir.

"5 ans, ce peut-être long. Si on compare ces quelques années à toutes celles que tu as vécues, alors ce n'est rien ; mais si on songe à tout ce qu'un homme - Ou un vampire - peut accomplir en cette courte période, alors..."

Il reprit son souffle et se pencha sur Toshiya pour contempler son visage encore tendu par un sentiment qu'il ne parvenait pas à analyser. Doucement, il détacha une de ses mains du crâne du vampire pour la poser sur sa joue ; elle était froide au toucher et pourtant terriblement douce. Toshiya avait la peau si pâle, et elle semblait si fragile, qu'il ressemblait à une poupée. Toutefois, plus encore que par sa beauté, Kaoru était touché par l'immobilité de ses traits - Cela lui faisait peur. Avait-il un visage aussi figé, lui ausi, lorsqu'il ne pouvait ni sourire ni pleurer?

"L'éternité est effrayante, parce qu'elle implique la solitude. Malgré ça... Je pourrais rester éternellement ainsi, ma main posée sur ta joue."

"L'éternité est effrayante, parce qu'elle implique la solitude. Malgré ça... Je pourrais rester éternellement ainsi, ma main posée sur ta joue."

Ces mots le firent frisonner. C'était si beau ce que disait Kaoru! Quel gâchis que ce soit un simple esclave. Il aurait pu être beaucoup mieux que ça, si la vie lui avait sourit. Toshiya ignorait absolument tout du passé du jeune homme, mais le vampire se doutait qu'il n'était pas aussi rose que ses cheveux.
La solitude rongeait Toshiya de jour en jour et partager cette solitude avec Kaoru le rassurait un peu. Mais ce n'était pas le même vide. Toshiya lui, souffrait de ne pas vieillir. Kaoru lui... Et bien, Toshiya n'arrivait pas à comprendre l'aura pessimiste et un brin nihiliste même, de l'humain.

Alors, n'en pouvant plus de ne pas comprendre, se relevant un peu il partit s'enfermer dans la salle de bain, se laissant tomber sur le sol dos à la baignoire pour pleurer, laissant les larmes couler sur ses joues pâles.

Il avait supporté ses sautes d'humeur, son égoïsme, sa prétention et sa proximité ; il devait maintenant supporter ses larmes. Kaoru resta un instant interdit, toujours assit sur le canapé, mais tourné vers la porte de la salle de bain. Une cigarette pas encore allumée suspendue aux lèvres, il poussa un nouveau soupir et se résigna à accepter la vérité. Supporter n'était pas le mot juste. Il s'agissait plutôt d'y faire face ; car étrangement les pleurs presque inaudibles de Toshiya le touchaient plus qu'il n'aurait plus l'imaginer - Encore faudrait-il qu'il puisse concevoir l'idée que Toshiya pleure! Le vampire était très complexe, mais jamais Kaoru n'avait pensé qu'il sache pleurer.

Il ne savait pas non plus si c'était de fatigue, de tristesse ou de rage. Peut-être tout à la fois. Peu sûr de lui mais déterminé à agir, Kaoru se releva et vint toquer à la porte de la salle de bain. Il n'attendit pas pour autant, et poussa le battant - Après une seconde d'hésitation durant laquelle il souhaita de tout son coeur qu'elle ne fut pas fermée à clef. Il n'osa pas regarder Toshiya, comprennant parfaitement qu'il ne s'était pas réfugier ici pour être observé. Il se contenta de s'accroupir à ses côtés, et de poser une main dans sa nuque, incapable de lui offrir plus d'affection que ce maigre contact.

"Je te protège, ne t'inquiètes pas. Tu peux pleurer autant que tu veux, personne ne le saura. Personne ne pourra profiter de ta vulnérabilité."

Toshiya finit par entendre Kaoru arriver. Tremblant doucement, il ne dit rien quand son esclave lui dit que personne ne saurait qu'il avait finit par pleurer, à cause de sa solitude. Prenant la main de Kaoru, tirant doucement dessus comme un enfant ferait avec la manche de sa mère pour le faire asseoir, le vampire se blotti contre son esclave, secoué par ses pleurs, gémissant de tristesse, avant de finalement se calmer après une bonne heure et demie de pleurs. La solitude, le jeu qu'il jouait devant les autres, de vieux souvenirs de son père le frappant et l'insultant, de sa mère jalouse de sa beauté, des hommes qui se pressaient pour coucher avec lui... Puis ce bal, avec l'ancien, où il était devenu un vampire, son premier fils. Il ne pleurait pas vraiment souvent, mais quand il le fesait, ça durait plutôt longtemps. Reniflant doucement, poussant presque Kaoru en se relevant de manière impériale, il prit le temps de se rincer le visage pour se calmer, et de remaquiller un peu ce qui avait couler. Encore heureux, Toshiya mettait du waterproof. Souriant à l'humain pour lui signifier que sa crise était passé, il le prit pas la main pour déposer un délicat baiser sur sa joue, le traînant ensuite -toujours par la main- jusqu'au salon où il se réinstalla contre lui, jouant avec les doigts de Kaoru, les fixant dans un silence total, soudainement passionné. Se raclant la gorge, tirant une cigarette en en tendant une à Kaoru, il l'alluma, passant ensuite le briquet à l'esclave pour qu'il fasse de même.

-Je suis désolé d'avoir pleuré comme ça, tes mots m'ont émus et m'ont rappeler à quel point je suis seul... mais aussi à quel point le genre que je me donne devant les autres est ridicule. Et plein de vieux souvenirs... C'est long, une vie de vampire, et il y a des souvenirs désagréables qui refusent de partir malgré tout le temps qui c'est écoulé.

Souriant doucement avec un air mélancolique, relevant le visage vers l'esclave, le vampire se redressa de nouveau légèrement pour encore déposer un baiser sur sa joue. Toshiya était lunatique à l'extrême... Pleurer pendant un moment, être insolent voir arrogant, puis mélancolique et enfin, câlin et docile comme un chaton.

-Merci Kaoru.

Kaoru accepta avec gratitude la cigarette offerte par Toshiya ; non pas qu'il fut totalement insensible aux larmes du vampire, mais l'heure qu'il avait passé dans la salle de bain l'avait ankylosé et finalement ennuyé. Il était pourtant satisfait d'avoir réussi à réconforter Toshiya, et heureux de le voir de nouveau... Toshiya. Bien qu'il le connaisse à peine, il parvenait à comprendre, et presque à ressentir, les émotions de Toshiya, qu'elles soient liées à ses souvenirs ou à sa situation actuelle. Posant doucement sa main sur la cuisse du Vampire, qu'il pressa entre ses doigts, il répondit:

"Passons un pacte, Toshiya. Quel que soit le destin que tu me réserves, et malgré la frustration qui résulte de ma condition envers toi, j'ai envie de profiter de tous les moments que nous pourrons partager. Aussi, je te propose d'être pour toi le confident dont tu sembles tant avoir besoin. Tu continueras à vivre comme d'ordinaire, entre bals guindés et minoderies feintes, avec cet plaisir narquois que tu as lorsque tu te pavanes en tenue d'apparat ; mais lors de ton retour dans cette chambre, et en échange de l'attention que je te porte, tu te devras d'être absolument sincère. Je te sais délicat, soigné et taquin, mais je refuse de te voir jouer un rôle avec moi. D'accord ?"

Tout du long, il n'avait cessé de serrer et desserer ses doigts sur la cuisse du Vampire, et maintenant qu'il se taisait, il remarquait à quel point ce contact lui était délicieux. Sans détourner le regard, il évinça ses pensées, craignant de devenir aussi hypocrite que les galants prétentieux qui composaient la cour de Toshiya.