You. || Kaoru

Toshiya s'ennuyait au manoir, et il détestait ça. Aki l'insuportait. Il se donnait un genre sexy, mais ça fesait si faux sur lui! Toshiya, lui était vraiment sexy. Être une garce, être vulgaire et sexy, c'est tout un art que le vampire maîtrisait à la perfection. Après avoir passer des siècles à voyager à travers le monde, se sédentariser de nouveau c'était quelque chose d'étrange pour lui. Pour tuer l'ennui et s'occuper entre deux querelles aux quelles il se délectait d'assister, il avait décider de se trouver un esclave. Ses pas l'avaient tout droit mener vers la boutique d'un certain Juka, le marchand d'esclave de la ville mais... il n'avait rien trouver d’intéressant. Tous étaient fades, sans intérêt selon lui, et aucun n'était assez beau pour lui.

Alors pendant qu'il traînait désespérément sur le marché d'une démarche sensuelle, une cigarette au coin des lèvres, il s'arrêta devant un stand, où il venait de voir un jeune homme aux cheveux roses en cage. Il avait l'air totalement déconnecté du monde... Souriant en s'approchant, demandant au vendeur si il pouvait le voir, on lui amena ce jeune garçon en laisse. Celui-ci était à demi nu, comme tout les esclaves, et ainsi Toshiya pouvait admirer son corps. Il avait l'air plutôt pas mal. Son air froid le rendait tellement sexy. Même s'il était sale dans ses oripeaux , il dégageait beaucoup de charme. Souriant en coin, le vampire chercha dans son sac à main avant de tendre une liasse de billet au vendeur.

-Gardez la monnaie.

Prenant donc la laisse, il se mit à traîner ce type derrière lui, ayant en tête de lui acheter des vêtements pour le moment.

-Comment tu t'appelles mon tout beau?

Kaoru, accroupit dans une cage, se perdait dans la contemplation de la foule qui l’entourait. Autour de lui, d’autres esclaves pestaient contre les barreaux, ou au contraire prenaient des poses aguicheuses dans l’espoir d’être achetés par un vampire. Il les trouvait pathétiques. Adossé aux parois, il leva son regard sombre vers le ciel et soupira en constatant qu’il était gris. Le gris du ciel avait beau être magnifique, lui préférait le bleu. Lorsque le marchand l’interpella avant de le tirer par un bras, il ne daigna pas le regarder et se laissa attacher sans se débattre. Il avait l’habitude, depuis tout ce temps. La personne allait le regarder de haut en bas, hausser les sourcils, et lâcher d’un ton sec « Trop vieux », « Trop grand », ou encore « Trop endormi ». Ces gens là ne prenaient jamais la peine de regarder ses yeux. S’ils le faisaient… Ils auraient probablement envie de le gifler. Indifférent, Kaoru se laissa regarder sans y faire vraiment attention, concentrant son regard sur le ciel, lourd au-dessus de lui. Seulement, il ne put s’empêcher de sursauter quand il entendit les paroles de l’homme qui l’observait. Il se sentit entrainé, et suivit docilement son désormais propriétaire. Il réalisait parfaitement ce qui venait de se passer, mais ne comprenait vraiment pas ce qui avait pu pousser ce type à l’acheter. Un excentrique, probablement. Qui se lasserait vite, comme tant d’autre. Il prit quelques secondes pour détailler ce qu’il voyait de cet homme, qui marchait d’un pas sûr mais particulièrement féminin ; il avait une longue chevelure ébène et des mains gracieuses fermement serrées autour de sa chaîne.
Sa voix, elle, était étrangement suave. Lui se contenta de lâcher son prénom avec désinvolture, parvenant sans peine à se faire entendre malgré les éclats bruyants de la foule.


« Kaoru. »

Il frissonna violemment quand un badaud lui percuta l’épaule, et se rapprocha au mieux de son propriétaire, que les gens semblaient éviter. Il remarqua enfin qu’à côté de l’être parfait qui le tirait, il avait vraiment l’air d’une vermine. Même ses ongles étaient sales. Il poussa un soupir dépité en songeant que ses parents avaient vraiment mal choisis son prénom… « Sentir bon ». Il puait la pisse, oui. Alors que l’autre…

« Et vous ? »

Il était vrai que ce dénommé Kaoru avait besoin d 'un bon bain. Mais Toshiya ne s'arrêtait pas à l'odeur. Il le trouvait peut être certes un peu jeune mais il vieillirait, et assez grand tout de même. Il n'aurait jamais pris un nain, sachant qu'il fessait un mètre quatre vingts.

Ne prenant pas garde aux hommes qui se retournaient tous sur son passage, sur la foule qui s'écartait pour le laisser passer, ayant l'habitude à force depuis maintenant un peu plus de 400 ans, il répondit de sa voix naturellement suave:

-Toshiya.

Entrant dans une boutique au hasard, ouvert dès le crépuscule comme toutes les boutiques en général, il fit son choix pour des vêtements sombres mais très class, imaginant Kaoru dedans. Bientôt, il serait beau et sentirait bon. C'était important pour le vampire, la propreté. Il voulait le plus bel esclave qui soit. Achetant le tout, il prit la direction du manoir, avant de détacher Kaoru et de lui montrer la salle de bain.

-Tâche de bien te laver s'il te plaît, tu sent l'urine et la sueur.

Kaoru n’haussa même pas un sourcil lorsque son propriétaire lui révéla son prénom. Cependant, il s’étonnait de n’avoir jamais entendu parler de lui. Il avait pourtant suivi de loin bon nombre de conversation vampire, et cet homme ne semblait pas né de basse extraction… Tout en lui le démontrait. Sa démarche, son langage, et surtout son extraordinaire prestance. Il s’était laissé dans un magasin et avait regardé son propriétaire choisir des vêtements –Auxquels il n’avait accordé aucune importance. Il préférait largement se repaitre du petit manège de Toshiya, qui allait de rayon en rayon en souriant parfois devant une tenue qu’il appréciait. C’était sûrement cela qui fascinait Kaoru plus que le reste. Le visage de Toshiya, qui exprimait tant de choses en une simple mimique, ou en un sourire charmeur.
Il passa une main sur son cou après que Toshiya l’ait détaché, et entra dans la salle de bain qui lui avait été désignée. Il entreprit de se plonger dans l’eau brûlante de la baignoire, s’extasiant devant sa taille et les hauts miroirs qui l’entouraient. Ce n’était pas souvent qu’il avait l’occasion de se regarder, et il fut presque surprit par son reflet quand il eut fini de se nettoyer. Il avait d’ailleurs honte de son état d’hygiène avant cet indispensable bain, car l’eau avait prit une teinte grisâtre qui lui arracha un rictus ; ce n’est pas sans résultat qu’il prit une rapide douche après avoir vidé l’eau.
Là, il sentait bon.
Après s’être rapidement séché, il quitta la salle de bain sans prendre la peine de se revêtir d’un peignoir ; ceux-ci étaient généralement attribués aux maitres et non aux esclaves. Non pas qu’il soit satisfait de sa condition, ou qu’il l’accepte pleinement, mais il n’y avait aucun avantage pour un Sunao à agacer son propriétaire. Lorsqu’il fut au pas de la porte, il aperçut Toshiya posté non loin et s’approcha silencieusement de lui. Il ne s’était pas coiffé les cheveux, et laissait trainer sa serviette à ses pieds ; pourtant rien dans son attitude ne pouvait montrer une éventuelle tentative pour provoquer son maitre. Sans dire un mot, il attendit seulement que Toshiya ne lui dise quelque chose.

Regardant sans se priver son esclave sortant du bain, se passant la langue sur les lèvres, il s'approcha. Non, il puait encore le vieux renfermé. ça n'allait pas.

-Tu pues encore.

Décidant de prendre les choses en main, il le remit dans la baignoire en frottant énergiquement sa peau et ses cheveux, laissant le savon mousser. Il y passa 2 bouteilles, pour être sur que l'esclave sentirait à peu près bon, avant de le rincer et de lui jeter un peignoir à la figure.

-Tu n'est pas un animal, ne reste pas nu.

L’asseyant sur une chaise, le vampire entreprit de lui démêler les cheveux, ce qui ne fut pas une mince affaire. Il avait beau les lui avoirs laver 3 fois, ils étaient encore bien emmêlés, et ... sales. Soupirant, exaspéré, le vampire fin un 4 ème shampoing avant de lui sécher les cheveux correctement. Se penchant pour sentir l'autre, satisfait qu'il sente enfin bon le propre

-Là, c'est déjà mieux.

S'asseyant face à lui sur un tabouret, lui prenant les pieds il se mit à couper les ongles trop longs. Satisfait de nouveau, le vampire prit les mains de son nouveau jouet, limant les ongles longs se levant pour chercher du vernis. Réfléchissant un instant entre le rose ou le noir, il opta pour du noir, le lui appliquant calmement. Une fois fait, il caressa la joue de l'esclave, avant de soulever son menton et de lui dire froidement:

-Je suis parfait. Alors je veux que mon esclave soit parfait, comme moi. Compris? Tu prendra des douches tous les jours à partir d’aujourd’hui, et on te refera la manucure toutes les semaines. Pareil pour tes cheveux, le rose c'est comme le bleu, ça dégorge.

Kaoru lança un regard noir à Toshiya en entendant sa critique. Il s’attendait à quoi ? A ce que du jour au lendemain, il passe du statut d’esclave misérable et puant dans sa cage à celui de courtisane modèle ? Il se tut pourtant, serrant simplement les mâchoires en se laissant faire par son propriétaire. D’habitude, les vampires n’avaient que faire de son odeur ; et n’étaient d’ailleurs intéressés par lui que parce qu’il était assez grand et musclé pour les aider aux taches de la maison tout en étant esthétiquement appréciable. A nouveau, Toshiya s’activait autour de lui comme une fillette joue à la poupée, non sans le vexer profondément au rythme de ses remarques désagréables.
Toutefois, il du s’avouer qu’une fois que Toshiya l’eut coiffé convenablement, il avait tout de même meilleure allure. C’en était même surprenant, pour lui qui n’avait jamais fait attention à son apparence. En revanche, la séance de manucure fut une véritable torture. Il ne supportait pas que Toshiya lui immobilise les mains si longtemps, et se tortillait pour vaincre l’ennui. Il se tendit quand Toshiya lui caressa la joue, et contint son tremblement tant bien que mal ; et quand il s’adressa à lui sèchement, Kaoru comprit qu’il n’était qu’une peste prétentieuse. Même s’il avait raison. A tous points de vue, ce type était parfait ; et c’est pour cela que Kaoru ne le serait jamais autant que lui. Il n’en avait d’ailleurs pas envie. Par contre, il n’avait rien contre les douches et était ravi par cet ordre. Quant aux ongles et aux cheveux… il ferait avec.
Il plongea ensuite ses yeux sombres dans ceux de Toshiya, et de sa voix grave lui posa une question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes.

« Pourquoi tu m’as choisi moi, si tu veux un esclave parfait ? »

Son visage était resté figé, et sa voix atone ; mais il n’en était pas moins étonné par son nouveau propriétaire. C’était bien la première fois qu’un être humain l'intriguait.

Toshiya voyait bien que ça emmerdait Kaoru de se faire manipuler comme ça tout le temps. Mais il devrait faire avec. Il n'était que le nouveau caprice de ce gamin qui pourtant avait 400 ans passés. Souriant froidement en coin à la question du gosse, il s'appuya contre le lavabo, sortant une cigarette pour fumer devant lui. Des menthols, exclusivement. Il ne fumait que ça, et même en fumant, il était terriblement sexy et provoquant, fesant réellement l'amour à cette cigarette avec ses lèvres pulpeuses.

-Pourquoi?... Parce que t'es le moins pourrit que j'ai trouver. Et que tu me plais bien, même si tu sera toujours moins parfait que moi. Parce que je suis la perfection de ce monde. J'ai voyager sur toute cette terre pendant 3 siècles et je n'ai jamais trouver plus beau que moi pendant tout ce temps!

Finissant sa cigarette, la jetant dans une poubelle il parti chercher son kimono avant de regarder Kaoru. Lui lançant un sourire terriblement sexy le grand brun dégagea ses cheveux de son dos, se tournant:

-Aides moi à enlever mon corset, je vais aller me laver.

Oserait il le déshabiller si tôt, sans pour autant le toucher? Toshiya allait bien s'amuser, oh que oui... Avec un maître aussi sexy que lui, le petit Kaoru ne tiendrait sans doute pas très longtemps!

Kaoru retint un soupir de lassitude en entendant le discours pompeux de Toshiya, et l’écouta parler sans le regarder. Certes, Toshiya était d’une beauté et d’une grâce à couper le souffle. Certes, il était doué pour mettre son corps en valeur et jouer la carte de la séduction. Mais d’après ce qu’il avait pu voir, il n’était pas trop mal non plus, et ce n’est pas pour autant qu’il passait son temps à s’en vanter. « Le moins pourri que j’ai trouvé ». Fallait chercher mieux. Kaoru ne pouvait s’empêcher de penser qu’avec leur âge, les vampires devraient faire preuve d’un peu plus de sagesse ; mais ils n’étaient finalement que des hommes, en plus puissant. Rien de très intéressant.
Kaoru commençait à être de très mauvaise humeur. L’odeur de la cigarette lui avait donné envie de fumer, chose qu’il n’avait pas eut l’occasion de faire depuis quelques jours. Il avait regardé le cylindre de tabac se consumer, et avait failli pousser un cri lorsque Toshiya la jeta. Il appelait ça finir une clope… Kaoru aurait pu s’en mordre les doigts de rage en pensant aux trois taffes qu’il aurait pu tirer sur cette cigarette défunte. Le clou du spectacle… Toshiya qui se retourne avec élégance, dévoile la peau pâle de sa nuque, et demande un service d’une voix suave… Et quel service. Kaoru détourna les yeux un moment, puis s’approcha rapidement de son propriétaire. A l’aide de gestes secs mais organisés, il défit le nœud et entreprit de défaire le cordon tout le long du corset. Après quoi, il glissa ses mains autour de la taille de Toshiya –En évitant le contact de son corps- pour retirer totalement le corset. Son propriétaire avait une façon de se laisser faire très… Lascive. Kaoru hésitait sérieusement entre l’impulsion qui lui criait de toucher Toshiya et son dégoût naturel pour les contacts humains. Le dégoût l’emportant, il se recula et tendit son corset à Toshiya en le regardant froidement.

« C’est bon comme ça, je peux m’en aller ? »

Il n’avait pas franchement envie de le voir se dessaper de manière langoureuse juste pour le faire chier. Et puis, il était fatigué, et ne se sentait pas d’humeur à supporter les manières de Toshiya, qui avait l’air de vouer sa vie à la séduction du premier mâle venu. Et bien que Kaoru n’ose concevoir le fait que son propriétaire puisse avoir envie de le séduire, il était tout de même sensible à ses charmes. De loin, bien sûr.

Toshiya était content d'emmerder son esclave. Il savait qu'il rageait, s'amusant à fouiller dans ses pensées. Alors comme ça il le trouvait trop arrogant?... Mais sérieusement, Kaoru avait il vu plus beau que lui? Non, certainement pas. Toshiya, ou la perfection. Un être parfaitement parfait, bien qu'un peu salope sur les bords, c'est justement ce qui fesait tout son charme. Il sentait aussi que l'humain n'était pas insensible à ses charmes. Ramenant son kimono contre son torse, jouant faussement à la prude il lui offrit un magnifique sourire charmeur.

-Oui, vas t'en. Appelle un serviteur si tu veux manger quelque chose, on te l’amènera très vite.

Et ça s'était sur, en sachant qu'il était l'esclave de princesse Toshiya. Les serviteurs avaient très vite compris qu'il fallait vite le servir pour éviter de s'en prendre plein la gueule. Sachant aussi que le jeune homme avait envie de fumer, il prit son paquet pour lui balancer avec le briquet.

-Et fume si tu veux, mais ouvre la fenêtre, je n'aime pas que ma chambre sente le tabac froid.

La fausse pudeur de Toshiya amusa Kaoru. Il n’était pas capable de deviner les intentions des gens, mais le regard de Toshiya ne trompait pas. Cependant, il ressentit une certaine reconnaissance envers son propriétaire de ne pas le forcer à rester dans la salle de bain. De même, bien que les cigarettes lui fussent données d’une façon peu aimable, il fut satisfait de ce geste. Kaoru s’inclina respectueusement devant Toshiya, mais réalisant qu’il était tombé sur un vampire qui avait l’air plutôt attentif à ses besoins –Même s’il était étonnamment chiant- il décrispa un instant son visage pour offrir un pâle rictus à Toshiya, espérant que cela suffise à lui communiquer sa gratitude.

"Merci beaucoup."

Il laissa la princesse seule, et s’assit sur le rebord de la fenêtre en laissant ses jambes tomber dans le vide. La première taffe lui fit un bien fou, et il s’adossa au chambranle en repliant une jambe. Le ciel c’était un peu découvert, et cette beauté lui mit du baume au cœur. Tout en fumant relativement rapidement –Et plus d’une cigarette, il ne pouvait s’empêcher de penser à son nouveau propriétaire. En fait, il désirait sincèrement en savoir plus sur lui, malgré son comportement de fillette gâtée. Probablement parce qu’il avait la sensation de ne pas être un simple objet aux yeux de Toshiya. Ce qui était parfaitement stupide, d’ailleurs. Mais, sans trop savoir pourquoi, il se sentait détendu. Toshiya était amusant, il remplissait l’espace vide qui entourait Kaoru depuis si longtemps.
Ce dernier, toujours en peignoir, finit par quitter la fenêtre au profit d’un canapé extrêmement confortable, et finit par s’y endormir.

Toshiya prit largement son temps dans sa luxueuse salle de bain marbrée. Prenant le temps de se relaxer dans un bain, pour en sortir parfumé d'un doux arôme de jasmin. Il avait réfléchit aussi à comment s'y prendre avec Kaoru, c'était bien la première fois qu'un homme allait rester avec lui quasiment tout le temps. Il se demandait si ça puerait l'homme tout le temps dans sa chambre ou non. Car le vampire avaient beau être un homme, il avait plus les odeurs et les manies d'une femme. Jamais vous ne verrez un Toshiya puant la sueur, lâchant un rot ou pas maquillé au sot du lit. Non, jamais.

Sortant bien 3heures après, le vampire n'eut pas de réponse quand il appela Kaoru, mais un léger ronflement lui indiqua sa position. Souriant tendrement comme une mère qui découvre son tout petit endormi, le grand brun prit une couverture pour la poser sur ce petit être fragile qu'était son humain de compagnie. Le regardant dormir paisiblement, jouant avec une mèche des cheveux roses qui étaient bien doux à présent, le vampire le contemplait. Il avait l'air si innocent comme ça...

Le lâchant finalement pour aller lire un livre, il finit par se coucher peu avant le lever du jour, pour faire "sa nuit" comme n'importe quel vampire, ayant pris de soin de laisser un petit mot à Kaoru. Il espérait que celui-ci sache lire... peu d'esclaves savaient lire.

"Consignes: N'ouvre pas les volets. Fait ce que tu veux dans l’appartement pendant que je dors, mais ne me réveille que si c'est important. La prochaine fois, tu pourras venir dormir dans le lit avec moi, à moins que tu ne préfères le canapé. C'est toi qui voit. Fait comme chez toi."

Lorsqu’il ouvrit enfin les yeux, il faisait tout à fait jour. En se redressant, Kaoru constata que Toshiya avait prit la peine de le couvrir d’une couverture, et ressenti quelque chose d’étrange. Même ses propres parents n’avaient jamais pensé à cela. De plus, venant d’un Vampire, qui plus est de son maître, c’était particulièrement étonnant. Il s’assit enfin, et remarqua sur la table basse le paquet de cigarette que Toshiya lui avait donné hier soir. Il songea un instant qu’il ne devrait peut-être pas le terminer, mais en regardant autour de lui, les cuirs des fauteuils, l’or des cadres, le bois sombre du parquet… Un paquet de clope, c’était une broutille, pour des gens aussi aisés. Il se saisit donc du paquet et alluma une cigarette avec un plaisir dissimulé mais intense.
Il ne s’aperçut qu’après avoir éteint sa clope dans le cendrier qu’un mot était posé sur la table. Il le tint entre ses doigts et en parcourant les lignes avidement. Toshiya était quelqu’un de très prévenant… Pourtant, il se passa la main sur le visage en soupirant. S’il fallait passer la journée enfermé dans cet endroit sans même pouvoir regarder le ciel, qu’allait-il pouvoir faire ? Il relu et relu ces lignes souples et fines que Toshiya avait tracé, pour le simple plaisir de lire. Il avait apprit à lire seul, lorsqu’il était enfant, avec les livres de cuisine de sa mère et les quelques ouvrages qui trainaient dans la maison. Il n’avait jamais eut un seul livre à lui, et le regrettait amèrement. Cependant, sa mélancolique fut de courte durée quand il songea que Toshiya en avait sûrement. 400 ans et plus sans un seul livre, c’était inconcevable ! Ragaillardi, il se dirigea vers la salle de bain, et s’observa attentivement de les miroirs pendant que l’eau chaude emplissait la baignoire. C’était un réel délice pour lui de prendre du temps pour s’occuper de sa personne, chose qu’il n’avait jamais réellement put faire. Sauf quand il s’enfuyait et qu’il se perdait dans la nature de longues journées, mais ce n’était pas le même confort. Oui, Kaoru n’était probablement qu’un vagabond crasseux, tenant à sa liberté plus qu’à toute autre chose. Mais en se vautrant dans l’eau brûlante à la savoureuse odeur de savon parfumé, il avait plutôt l’air d’un homme riche lui aussi. Son regard fier jouait sûrement. Il sorti enfin de l’eau, se coiffa comme Toshiya l’avait fait la veille, et revêtit les vêtements que son propriétaire lui avait acheté. Des vêtements relativement sobres, plutôt près du corps, qui mettaient étrangement en valeur sa beauté froide et les lignes de son corps. Ses cheveux n’en ressortaient que plus. Dans le miroir, Kaoru cru voir un enfant. Il sourit à son reflet, remarqua que cela ne ressemblait ni plus ni moins qu’à une grimace, et décida de rester figé. Il parti ensuite à la recherche d’un livre, et ne fut pas déçu : Toshiya en avait une quantité impressionnante, et même d’autres langages, probablement ramenés durant l’un de ses nombreux voyage. Kaoru pensa que malgré son apparence volage et aguichante, Toshiya était un homme de goût –Autre qu’avec les vêtements, s’entend.
Même lorsqu’il eut faim, Kaoru se contenta de fumer et de boire de l’eau au robinet, tant l’angoisse d’appeler un serviteur qu’il ne connaissait pas le terrifiait. Il n’osait pas non plus faire du bruit, et se borna à rester assit sur le canapé en dévorant les ouvrages qu’il avait ramené. Il exultait.
Vers ce qu’il pensait être la fin de la journée, il ressenti même l’étrange besoin de communiquer son plaisir à Toshiya. Il n’était pas particulièrement attaché à son maitre, mais c’était grâce à lui qu’il tenait ces livres entre ses mains de vulgaire esclave, et il ne savait comment le remercier.
Quant à la fin du mot de Toshiya… Il avait tout fait pour ne pas y penser. Partager son lit ? Son maitre n’avait pas l’air d’insinuer qu’il le voulait avec lui, mais Kaoru ne pouvait n’empêcher de penser que ce n’était pas une demande innocente. Partager le lit d’un homme tel que Toshiya ? Pour la première fois depuis sa courte existence, Kaoru ne fut pas troublé par la crainte d’être touché, mais plutôt par l’hypothèse que celui puisse lui plaire. Il frémir, referma son livre, et s’alluma fébrilement une cigarette.
Personne ne l’avait vraiment touché. Lorsqu’il était jeune et frêle, il avait subit bon nombre de tentatives d’abus. Aucune n’avait aboutie. Et à 18 ans, Kaoru était probablement le seul esclave du manoir à être vierge.
Dormir avec Toshiya? Oserait-il?

Toshiya n'avait rien entendu des allées et venues de l'esclave dans son appartement. Il dormait comme un bébé dans ses draps de satins, dormant d'un sommeil sans rêve, restant calmement allongé les yeux fermés. La journée c'était sans doute le seul moment où il avait l'air vraiment innocent car il dormait, avec son éternel visage d'enfant figé comme ça depuis 400 ans.

Sans tous ses artifices, il était loin d'être laid, mais son visage restait poupon, et ça le choquait de plus en plus. Avec toutes ces années, il avait vu et vécut beaucoup de choses. Il se sentait adulte, mais restait prisonnier de ce corps de jeune garçon. C'est sans doute ce qui l'embêtait le plus quelque part dans son apparence. Mais le vampire se disait qu'au moins, jamais il n'aurait connu la vieillesse, les rides, les cheveux blancs, la maladie... Et ça fessait 400 ans qu'il s'amusait.

Se réveillant peu avant la tombée de la nuit, il sortit de sa chambre pour directement se précipiter à la salle de bain, ne voulant pas que Kaoru le voit avec son air d'éternel gamin. Il avait peur de perdre toute crédibilité, au cas où il devrait lui donner des ordres ou lui faire des remontrances par la suite. Prenant donc une douche, se maquillant soigneusement, coiffant ses longs cheveux bruns il choisit une tenue extravagante comme toujours. Une tenue noire froufroutante composée d'une mini jupe et d'une chemise.

Sortant finalement après 3h de préparation, il vit le jeune esclave en train de lire un livre. Alors comme ça il s’intéressait à la culture? Au moins, il savait lire et avait compris son petit mot, et donc ses instructions.

-Bonsoir Kaoru.

Prenant le livre pour voir ce qu'il lisait, il eut un sourire en le lui rendant. Les fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Kaoru avait bon gout. Toshiya possédait d'ailleurs cet exemplaire en 3 langues différentes, mais il préférait la version originale, en Français. S'asseyant à côté de lui, caressant doucement sa joue avec ses doigts fins, écartant ses cheveux, le vampire regardait son cou. Il le mordrai un peu plus tard, juste pour le plaisir de le goûter. Ne pouvant plus manger de pâtisseries comme avant, il se contentait d'être un fin gourmet au niveau du sang.

Le vampire allait le complimenter sur son choix quand il entendit le ventre de son esclave gronder de faim. Souriant amusé en se doutant qu'il n'avait pas commandé à manger, il se leva du canapé avec grâce pour ouvrir la porte et se mettre à hurler pour appeler un serviteur. Il lui ordonna d’amener très vite à manger quelque chose de bon pour son esclave, et que si non, il aurait à faire à lui. Fumant une cigarette en attendant, il n'eut pas le temps de la finir qu'on frappait à la porte pour lui amener le repas de Kaoru. Ne prenant pas la peine de remercier l'esclave, lui claquant la porte au nez le vampire déposa le plat devant son jouet, allant se chercher un grand cru de sang dans la cuisine. Levant son verre qui pourrait passer pour un verre d vin, il eut un sourire avant de dire gentiment:

-Bon appétit Kaoru.

Lorsqu’il entendit Toshiya se précipiter dans la salle de bain, Kaoru ne releva pas la tête de son livre. Il était plongé dans sa lecture à tel point qu’il souhaitait ne jamais devoir l’arrêter. Il continua de lire pendant bien 3 heures, sans prendre garde au temps étonnamment long dont son propriétaire avait besoin pour se changer ; lorsqu’enfin il sortit de la salle de bain, il était resplendissant. Kaoru s’empressa de se replonger dans son ouvrage, ne répondant même pas au pourtant charmant bonjour de son maitre. Il continua de dévorer les lignes, avant que Toshiya ne lui enlève des mains pour en lire le titre et le gratifier d’un regard satisfait. Il ne savait vraiment pas comment se comporter avec cet être doué d’une grâce et d’une assurance sans pareil. Il avait beau être grand, il se sentait minuscule à côté du Vampire ; la caresse de Toshiya sur sa joue le fit se raidir brutalement. Crispé, il attendait seulement que la main quitte sa peau…Et pourtant, le contact était doux. En revanche, quand il perçut le regard de son propriétaire sur son cou, il dut retenir un violent mouvement de recul. Ça, ça le faisait vraiment flippé. Il tenait trop à sa mort pour se laisser bouffer par un suceur de sang. Il fut néanmoins détourné de ses pensées funestes par un intempestif gargouillement. Il plaqua ses mains sur son ventre dans l’espoir d’étouffer ce bruit disgracieux, mais Toshiya ne semblait pas en prendre rigueur, ce qui le soulagea un instant.
Le cri de Toshiya lui fit ouvrir de grands yeux effarés, et il ne put détacher son regard de l’être si fin capable de pousser des cris aussi puissants. L’arrivée de la nourriture changea la donne : Kaoru n’avait prit conscience d’à quel point il était affamé. Pourtant, il ne commença pas immédiatement à manger, même après que son maitre lui ait souhaité un bon appétit.
Sur un ton grave, ses deux obsidiennes sombres braquées sur Toshiya, il osa poser une question fatidique :

« Quand vous serez lassé de moi, vous me traiterez comme ça aussi ? »

Il n’avait pas voulu prendre un ton si sec, mais ne supportant pas l’injustice ni l’irrespect régnant entre esclaves et vampires, il n’avait pu s’en empêcher. Il se plongea dans la contemplation de ses mains –Grandes et… Manucurées- et se tut en l’attente d’une correction. Toshiya n’avait pas l’air d’être violent, mais on ne sait jamais… Quand un vampire vivait aussi longtemps, peut-être perdait-il le peu d’humanité qui lui restait. Il souffla, comme une excuse:

« Je suis de mon cœur le Vampire – Un de ces grands abandonnés, au rire éternel condamnés, et qui ne peuvent plus sourire... »

Toshiya buvait paisiblement son verre de sang avec dlicatesse avant de regarde Kaoru qui lui posait une question. Il semblait un peu perdu dans tout ce luxe à contempler ses ongles manucurés. Lui souriant avec tendresse, le vampire lui répondit:

-Si je me lasses de toi, je te tuerai, c'est tout. Ou alors je te rendrai ta liberté si tu gagnes ma sympathie.

Buvant un verre, tranquillement en appréciant le calme et la présence de cet humain qui comblait le vide autour de lui dans son appartement, il sourit en l'entendant réciter les derniers vers de L'héautontimorouménos de Baudelaire. Issu de la partie du spleen idéal. Souriant en posant son verre, il se mit à parler de nouveau. Si Kaoru était avide de connaissances, il serait ravit de l'apprendre:

-L'héautontimorouménos, c'est du grec. ça signifie littéralement "bourreau de soi-même". Il a repris le titre d'une pièce de théâtre d'un dramaturge grec qui s’appelait Térence. Je trouve que c'est un très beau poème, particulièrement le passage que tu as cité. ça traite de la solitude, et je crois que personne ne la connaît mieux qu'un vampire. A vivre si longtemps, si tu t'attaches à un humain, tu souffre de sa perte... Tu vois mourir tous tes proches... et un jour tu finit par être seul et devenir fou.

Remplissant de nouveau son verre, le levant à la santée de Kaoru, il le but d'une traite avant de réciter à son tour quelques vers sans regarder le livre. De mémoire. Il les connaissait tous par coeur.

-J’aime aussi ce passage issu du poème le léthé. Léthé dans la mythologie grec était la personnification de l'oubli, la fille d'Eris la discorde. Mais c'est également le nom d'un des fleuves des enfers... quand on buvait son eau, on pouvait tout oublier et recommencer une vie humaine vierge de souvenirs. "Dans tes jupons remplis de ton parfum ensevelir ma tête endolorie, et respirer, comme une fleur flétrie, le doux relent de mon amour défunt."

Kaoru avait haussé un sourcil en entendant la réponse de Toshiya. Il y avait de fortes chances pour qu’il se fasse tuer, alors… Et il ne se sentait pas le courage de jouer le jeu simplement pour éviter cela. Il détourna son regard du charmant visage qui lui faisait face et commença à manger ; toutefois la voix de Toshiya s’éleva à nouveau et il fut contraint de stopper tout mouvement. Il était envoûté. Pas principalement par la voix même de Toshiya, mais surtout pour la dévotion qu’il y ressentait, et son plaisir palpable à partager son savoir. Il était impressionné par la culture du Vampire –Bien qu’après 400 ans de vie, c’était tout à fait logique. Lui, du haut de ses misérables 18 ans d’errance et d’esclavage, faisait office de débile mental. D’ailleurs, la plupart des éternels devaient considérer les humains comme tels…
Il haussa les épaules et continua de manger, sans pour autant cesser d’écouter les paroles de Toshiya. Il ne profitait même pas de la nourriture ; c’était de ce savoir qu’il se nourrissait. Avide d’apprendre, il l’était, et il eut même la conviction que le temps qu’il passerait auprès de Toshiya lui serait bénéfique. Indispensable, même. Ce futur qui s’annonçait désagréable serait peut-être finalement la réalisation d’un de ses rêves les plus chers… Il ne connaissait ni Térence, ni la mythologie Grecque, mais finissait par croire qu’en seulement quelques jours il pourrait connaitre tout cela et plus encore.
Les mots du vampire au sujet de la solitude l’avaient touché. Non pas qu’il se targue d’avoir beaucoup vécu, mais il avait l’impression d’être seul quoi qu’il fasse, et Toshiya semblait si concerné par la solitude lui aussi qu’il ne put s’empêcher de le plaindre. 400 ans… A parcourir le monde, à le sillonner de toute part, à rencontrer des million de gens… Tout cela pour traverser les générations sans l’ombre d’une ride, pour voir périr des peuples entiers sans la moindre égratignure… Etait-ce réellement une vie ?
Les derniers vers que Toshiya récitait étaient d’une beauté à couper le souffle. Kaoru, découvrant à peine les merveilles de la poésie, en eut presque un haut-le-cœur. C’était trop, beaucoup trop pour lui. La voix de Toshiya sublimait les mots et les rendait plus beaux encore. Il se releva brutalement, coupant le Vampire dans son élan lyrique. Il était bien trop troublé pour dire quoi que ce soit, et pourtant semblait sur le point de vomir ses sentiments en mots désordonnés.

« Je… »

Il se rassit en tentant tant bien que mal de contrôler ses émotions, mais pour lui qui n’en ressentait jamais autant, c’était un exercice aussi douloureux que vain.

« Ça me donne envie de pleurer ! »

Il avait craché cela comme si c’était la faute de Toshiya, et s’en voulut aussitôt. Il se sentait incapable de reprocher quoi que ce soit au Vampire, surtout dans un instant tel que celui-là.

Toshiya était touché de voir Kaoru boire ses paroles comme ça. Il allait apprendre avec Toshiya, c'était certain. En 400 ans, il avait appris plusieurs langues et avait une culture générale impressionnante. Il allait apprendre à Kaoru, sil le souhaitait.

Il fut néanmoins surpris de voir Kaoru réagir de manière aussi extrême aux vers de Baudelaire. Certes, c'était beau mais... à ce point? C'est qu'il devait être vraiment sensible cet esclave, ou bien Toshiya avait vraiment perdu la notion de sensibilité, et ça ne le rassurait pas vraiment.

Les mots de Kaoru le firent sourire. Il avait envie de pleurer?... pauvre chose. Posant son verre vide, s'approchant du bel humain le vampire se mit sur ses genoux, délicatement pour passer ses bras autour de sou cou et caresser tendrement sa joue. Il pouvait se le permettre, il n'était pas bien lourd...

Le regardant dans les yeux avec un petit sourire en coin, le visage tout près du sien, frôlant les lèvres de l'esclave avec son pouce, le vampire murmura de sa voix suave:

-Faut pas pleurer pour ça. Ta vie est trop courte pour que tu pleures sur de la poésie. Même pour que tu pleures tout court.

Voir Toshiya s'approcher de lui et s'assoir sur ses genoux ne rassurait pas Kaoru. Il était même terrifié par le Vampire. Pourtant, ses gestes si doux lui permirent de se détendre imperceptiblement, même s'il restait angoissé par leur contact. Toshiya faisait preuve de beaucoup de tendresse, si bien qu'il se surprit à ne pas vouloir le rejeter -Et même s'il l'avait voulu, il était conscient de son infériorité. En dégageant sa bouche du pouce du Toshiya, il répliqua d'un ton boudeur:

"C'est pas comme si je pleurais tout le temps. J'ai même jamais pleuré."

C'était parce qu'il s'agissait de poésie, et de la voix de Toshiya.
Toujours est-il qu'il se trouvait dans une situation délicate, et qu'il ne savait pas trop quoi faire de ses mains. Hésitant, il en posa une sur le genoux de Toshiya, et détourna le regard. Sa courte vie, hein? Elle était peut-être infime, en comparaison avec celle du Vampire, mais il ne la laisserait pas être dénigrée. Il prit un air plus distant, et regarda froidement le vampire.

"Toshiya... Ma courte vie, tu vas en profiter longtemps?"

Il n'était certes là que depuis une journée, mais ne voyait toujours pas ce que son propriétaire pouvait bien attendre de lui.

Le vampire souriait à l'humain. Il le trouvait juste adorable à jouer les gros durs. Le vampire était sur que dans le fond, Kaoru était un grand sensible qui se protégeait sous une épaisse carapace. Peut être un vieux traumatisme qui remonterait à son enfance? Le vampire n'en savait rien. Reprenant le menton de l'humain entre ses mains pour garder ce visage renfrogné et froid qui lui plaisait tant en face de lui, le bel éphèbe répondit froidement:

-Si je m'attache trop à toi, je te garderai avec moi un siècle ou deux avant de t'abandonner. Je suis égoïste. Tu n'est que mon dernier caprice en date.

Lâchant son menton, se levant délicatement pour allumer une cigarette et s'appuyer contre le rebord de la fenêtre après l'avoir ouverte, tirant sensuellement sur le cylindre de nicotine, il reprit:

-ça te fait peur hein, une jeunesse éternelle?... T'as bien raison. J'aurais préféré mourir. J'ai 400 ans, je suis vieux et j'ai toujours l'air d'un jeune homme. ça me perturbe, ça me rend dingue parfois même.

Tirant de nouveau, passant une main dans ses longs cheveux brun avec un air totalement décadent regardant un instant la lune, il ajouta pour finir avec une question rhétorique:

-J'ai jamais fait ce cadeau empoisonné à personne, tellement je trouve ça dégueulasse de vivre comme ça. J'ai qu'une demie vie. Je suis censé être mort, mais je suis toujours là, et pour survivre, je dois boire du sang, me cacher du jour... t'appelles ça une vie toi?

Le vampire était ce genre de personne, alors? A s'emparer égoïstement de la vie d'un autre pour son simple divertissement... Kaoru manqua de se lever tant sa fureur le mettait hors de lui, mais les paroles que prononça ensuite Toshiya l'en dissuadèrent. Il s'était écarté de lui-même, et Kaoru frémit en le voyant allumer une cigarette. Ses mots, eux, le transpercèrent. J'aurais préféré mourir. Il retint un cynique "Tu n'as qu'à te laisser mourir", tant la tristesse qui se dégageait de ces mots était intense. Il n'était pas assez méchant pour se permettre ce genre de chose. A l'allure du vampire, Kaoru n'aurait jamais pensé qu'il puisse souffrir à ce point de sa condition. Et pourtant...
Le geste lascif de Toshiya le fit se tendre à nouveau. Une telle beauté sensuelle était inconcevable, à ses yeux d'humain habitués à la laideur de la plèbe. Les vampires exerçaient tous une fascination particulière chez les humains, mais avec Toshiya cet émerveillement était décuplé. Parce que lui, malgré son extraordinaire beauté et sa sensualité permanente... Il avait l'air fragile. Oui, il avait presque l'air d'un enfant. Ce n'était pas son visage, et encore moins ses expressions. C'était la pureté qui se dégageait de ses mots et de son regard. Pourtant, il faisait tout pour le cacher, et cette constation arracha un pâle sourire à Kaoru.
Pour le reste, il était parfaitement d'accord.

"Ce n'est pas pour rien que l'on dit des vampires qu'ils sont damnés... "

Il avait soufflé cela comme on fait une confidence, craintif de la réaction que pourrait avoir son propriétaire. Il figea son regard vers le ciel nocturne et continua d'une voix troublée:

"Il semblerait que tout être vivant cache en lui une part de souffrance. Qui croît avec le temps..." Il eut un drôle de hoquet qui ressemblait vaguement à un ricanement, et reprit: "Mais, dis-moi, me crois-tu capable de survivre autant de siècles auprès de toi? Tu n'étreindras plus que mon squelette."

Fumant tranquillement, appréciant la brise fraîche qui le fit frissonner, il releva les yeux vers Kaoru. Ses paroles étaient pleines de sagesse. Il avait également perçu dans ses pensée que l'esclave avait compris tout seul son véritable caractère. Peut être parce que avec cet humain, le vampire n'en fesait pas des tonnes? Qu'il était moins maniéré, moins bruyant et vulgaire.

Ne voulant plus fumer, tendant la cigarette à Kaoru pour l'inviter à se rapprocher, l'éternel jeune homme réfléchissait calmement. Puis il répondit froidement:

-Je te garderai en vie par pur égoïsme. Puis, je t'aime bien, tu as déjà réussi à me comprendre tout seul comme un grand. T'as réussi à voir autre chose qu'une pute en moi.

Reprenant la cigarette, tirant longuement dessus il la retendit à kaoru s'amusant à la recracher en dessinant des ronds de fumée.

-Quand à ton "tu n'as qu'à te laisser mourir", je ne peut que répondre que je n'ai pas le courage de mettre fin à ma vie. Je l'aime et la déteste en même temps... Parce que je me dit que beaucoup d'autres aimeraient être à ma place, et que je n'ai pas à tout gâcher... mais en même temps, j'ai constament peur de m'ennuyer. C'est sans doute ce qui me fait le plus peur, m'ennuyer, et être délaissé.

Kaoru s'approcha à pas lent de son maitre qui lui tendait une cigarette, et la prit en pencher la tête en guise de remerciement. Il est vrai que l'air était doux, et que fumer en regardant le ciel était particulièrement agréable. Même s'il était à présent très proche de Toshiya, il se sentait bien. Presque... En sécurité. Les mots de Toshiya auraient pu le vexer, s'il n'avait entraperçu la véritable personnalité de ce dernier. Malgré tout, il eut un sursaut en entendant certains mots. Il ouvrit la bouche, puis se ravisa, se contentant d'écouter les dernières paroles du vampire. Il fut très troublé par la tirade finale de Toshiya, et lui lança un regard perplexe en pinçant ses lèvres d'inquiétude. Enfin, il osa prendre la parole, sur un ton si bas que sa voix en paraissait bien plus grave.

"Comment pourrait-on voir une... Pute... En toi? Il me semble que les putes sont sales et vulgaires, non?" Malgré sa voix et son visage dur, il parlait probablement comme un enfant. Il secoua la tête et continua: "Et puis... A mon avis, tu es le seul responsable de ton ennui. C'est parce que tu passes ton temps à chercher de la distraction que tu n'arrives plus à profiter des merveilles que la vie t'offre. Quant au fait que tu sois délaissé... Ne serait-ce pas plutôt toi qui fuit l'attachement? Tu dis que tu vas me garder égoïstement auprès de toi avant de me tuer ou de m'abandonner. Si tu étais sincère, tu me supplierais de rester à tes côtés pour ne pas te laisser seul, hein?"

Il reprit son souffle brutalement, lui-même impressionné par la quantité de mot qu'il avait sorti en à peine une minute. La présence de Toshiya lui était vraiment troublante -Et peut-être importante, aussi- pour qu'il se mette à exprimer autant ses pensées. D'ailleurs... Il semblait que Toshiya n'ait pas besoin de mot pour savoir ce qu'il pensait. L'idée que même ce qu'il était seul à posséder puisse être accessible à quelqu'un d'autre lui provoqua de violent frissons, aussi s'éloigna-t-il de la fenêtre -Et de Toshiya.

Le vampire se mit à réfléchir à tout ce que disait Kaoru, qui semblait effrayé que le vampire puisse entendre ses pensées. Il allait sans doute devoir apprivoiser cet humain comme on apprivoise un petit chaton sauvage. C'était un peu ça l'idée. Kaoru était un bébé chat sauvage, qui grognait plus qu'il ne griffait, juste pour se protéger.

Lui souriant gentiment, s'approchant de lui pour passer ses bras autour de son cou, le forcer à s’asseoir et reprendre sa confortable place sur les genoux de l'humain, se blottissant un peu contre son torse:

-Je ne me sent pas de jouer le jeu que je joue devant les autres devant toi, sachant que tu est toujours H 24 avec moi. Devant les autres, je joue à la pute. Pour me distraire, j'ai toujours été comme ça et cette réputation de folasse nymphomane me colle à la peau depuis 400 ans. Je donne aux gens ce qu'ils ont envie de voir.

Réclamant un peu d'affection en frottant sa tête contre Kaoru, réclamant la chaleur de ce corps et une étreinte avec de la chaleur humaine, le vampire prit doucement le haut de son esclave dans ses mains, en soupirant:

-Je suis trop orgueilleux pour te demander de rester avec moi. Et si je fuit l'attachement, c'est parce que je ne veux pas souffrir.

Le fait que Toshiya le force à s'assoir mit Kaoru particulièrement mal à l'aise. Cependant, il avait réellement envie d'écouter ce que pourrait lui répondre le vampire, et se laissa aller à son étreinte. Il manqua de sourire cyniquement en entendant les paroles de Toshiya, qui semblait réfléchir -Même après 400 ans d'existence- comme un adolescent angoissé. Il le laissa continuer, patient comme il pouvait l'être avec les animaux. Cette pensée ne comparait pas Toshiya à un animal, bien au contraire ; Kaoru s'étonnait simplement d'être capable d'attention envers un homme alors qu'il n'appréciait le faire qu'avec les bêtes. Le fait que Toshiya soit un Vampire ne changeait finalement pas grand chose à son humanité. Il ne comprenait pas pourquoi Toshiya se donnait cette image décadente si ça ne lui plaisait pas. Et lui même ne concevait pas qu'on puisse apprécier la compagnie d'un jeune homme se comportant comme une prostituée. Le fait que son propriétaire préfère lui montrer son vrai visage le rassurait, aussi ; il n'avait pas franchement envie de se coltiner une furie affamée de sexe pendant des nuits entières.
Kaoru ne put s'empêcher de poser un instant sa main dans l'abondante chevelure de Toshiya et de la gratouiller un peu -Réflexe qu'il avait gardé de ses contacts avec les félins; mais la retira lorsque le vampire fit une dernière tirade. Il posa sur lui des yeux ternis par l'indifférence et eut encore ce drôle de hoquet qui caractérisait ses élans de cynisme.

"Tu fuis l'attachement pour ne pas souffrir... Mais celui qui ne souffre pas ne sera jamais heureux non plus. Tu es mort, Toshiya. Tu es un être vide. Tes voyages, tes conquêtes et tes masques ne suffiront pas à remplir ton existence d'errance et de déception, si tu n'acceptes pas les émotions qu'ils pourront t'apporter."

Par pur réflexe, il reprit ses caresses sur le crâne de Toshiya et plongea son regard dans la nuit. Sans oser déloger son propriétaire, il tatonna un instant jusqu'à trouver le paquet de cigarette et en alluma une qu'il tendit à Toshiya, avant d'en allumer une deuxième. Etrangement, le poids de son corps sur le sien le réchauffait lentement.

Toshiya écoutait sagement les paroles du brun, fermant les yeux en souriant fadement de bonheur aux caresses de son esclave dans ses cheveux. D'ordinaire, il aurait hurler qu'il allait le décoiffer, mais il n'en fit rien, se contentant de ronronner doucement, appréciant les petites attentions de Kaoru à son égard, prenant la cigarette dans sa main.

-Tu as raison, mais je veux pas souffrir.

Relevant un visage avec un air poupon vers son esclave, le fixant un moment en fumant il finit par oublier cette idée qui lui trottait dans la tête. Il avait besoin qu'un homme prenne soin de lui, un homme qui le remette en place correctement mais Kaoru n'en était sans doute pas capable. Il n'oserait surement jamais lever la voix sur son maître, ou même lui dire froidement "maintenant ça suffit, tu te calmes" en le plaquant au lit. Soupirant doucement, se contentant de rester dans les bras de l'esclave un instant il finit néanmoins par se relever.

-Je suis qu'un sale gosse de 400 ans.