Tu me manques, ma poupée... [Yuuki]

Les ventes ne se déroulaient pas mal ces derniers temps. J'empochais régulièrement de belles sommes pour des esclaves de haute qualité, car ma plus grande fierté était bien entendu de vendre les plus belles créatures du marché, qu'elles soient rebelles ou non.
La plupart du temps, je parvenais à les dresser pour qu'elles soient assez dociles pour satisfaire les vampires les moins stricts, cependant, sachant que la plupart des maîtres aimaient s'occuper eux mêmes de l'éducation de leurs petits jouets, je m'assurais toujours de ne pas aller trop loin pour leur laisser assez de caractère pour donner du fil à retordre à leur propriétaire. S'ils avaient encore assez de volonté, le prix en était accru. Et ainsi, mes affaires tournaient à merveilles.

Cette nuit, je l'avais passé à réparer les bêtises d'un de mes employés qui avait permis que quelques unes de mes bêtes ne s'évadent la veille. Par chance, ils furent presque tous récupérés, et de retour à la maison, je passais un temps fou dans les caves à m'occuper d'eux, les lavant au jet avant de leur donner un bol de légumes pour ensuite remonter m'installer sur le canapé et lire. La présence de Yuuki à mes côtés me manquait, mais j'étais encore bien trop fier pour daigner me rendre sur son lieu de travail pour le voir...

La lecture me lassait, mais j'y restais plongé pour ignorer les pensées insultantes émanant des plus jeunes esclaves arrivés chez moi. Ceux que je n'avais pas encore corrigés et qui osaient me provoquer parce qu'ils ne savaient pas à quoi s'attendre. Je leur laissais le loisir de s'imaginer ce qu'ils voudraient, ce genre de marchandise insolente et sans valeur se vendait vite.

Alors que je songeais à partir me coucher plus tôt que d'ordinaire, quelques coups frappés à ma porte changèrent mes plans. Intrigué, je posais le livre ouvert contre l'accoudoir de sorte à ne pas perdre ma page, avant d'avancer vers l'entrée. Aussitôt, l'odeur me fit savoir qu'il s'agissait de mon petit favori, et je sentis mon coeur se faire d'un coup plus léger. Ravalant un léger sourire, j'ouvris enfin sur mon petit Yuuki.

"Ça faisait longtemps..."

Des paroles froides, voir neutres, mais je n'hésitais pas à tendre la main pour glisser les doigts sur sa joue et l'amener à moi pour lui voler un baiser.

Ma poupée... Mon Yuuki était là, et j'étais heureux, content de savoir que finalement cette soirée n'allait pas être morne et ennuyeuse comme toutes celles que je passais dernièrement.
L'attirant à l'intérieur, je refermai et verrouillait soigneusement ma porte avant de l'entraîner vers le salon, ne manquant pas de le voir essuyer sommairement une larme venue glisser sur sa joue. Silencieux, j'approchais pour embrasser doucement la zone marquée et lécher le sang afin qu'il disparaisse, puis je le regardais de nouveau.

"Ah ? A tel point que tu en oublies les bonnes manières ?"

J'haussais un sourcil en le dévisageant. Lui avoir rendu la liberté ne signifiait pas qu'il pouvait me tutoyer. Je ne le permettais à personne, certainement pas à mon jouet favoris. Il m'avait manqué aussi, mais le lui montrer était encore quelque chose dont je n'étais pas capable.

Incapable... Oui j'étais incapable de prononcer devant Yuuki des paroles qu'il m'arrivait pourtant de répéter des centaines de fois devant mon miroir pour essayer de faire qu'elles sortent lorsque nous nous croisions... Mais chaque fois c'était pareil, une fois que je l'avais devant moi, je redevenais Maître Juka, et j'avais une image à garder, un rôle à tenir... Un rôle duquel je ne pouvais me détacher, pas même le temps de quelques mots... Il en allait de toute notre relation. M'apprécierait-il toujours autant, si j'allais jusqu'à me ramollir et lui dire que je l'aimais ? Que j'aurais préféré qu'il reste à mes côtés plutôt qu'il prenne sa liberté ? C'était hors de question. Il fallait que ça aille comme ça, et c'est tout.

J'inclinais doucement la tête en signe d'acceptation de ses excuses, puis un long silence s'installa pendant lequel nos regards restèrent plongés l'un dans l'autre. J'aimais le voir se mordre la lèvre, j'aimais son regard hésitant, et je baissais les yeux, esquissant un léger sourire alors qu'il vint caresser ma joue et m'embrasser doucement, mais rapidement.
Il chercha ensuite mes doigts, et j'attrapais vivement sa main, le regardant fixement. Je trouvais dommage de ne plus pouvoir sonder son esprit... lire ses pensées et lui parler par télépathie me manquait, mais c'était une autre restreinte entre créateur et progéniture...
Glissant ma main libre dans son dos, je l'attirais contre moi sans douceur, me penchant sur son cou pour y respirer le parfum de trop d'hommes à mon goût... son lieu de travail étant bien trop fréquenté. Laissant glisser mes crocs sur sa peau claire, je soupirais doucement.

"Je n'aime pas que tu sois loin de moi si longtemps..."

Peut être était-ce ma façon de lui dire "Tu me manques..." et je ne pus m'empêcher d'ajouter quelques paroles un peu moins agréables.

"Je vais te faire couler un bain... tu empestes la décadence..."

Si Yuuki arrivait encore à penser que je le traitais comme n'importe quel autre, il était véritablement loin du compte. Aucun autre n'hantait jamais mes pensées comme son visage savait le faire, et de la même manière, aucun autre ne pouvait oser me toucher sans avoir au préalable eut ma permission, chose que j'autorisais cependant au blond depuis que j'avais fait de lui un vampire. Le considérer comme mon "fils", je n'en étais pas capable. Cette appellation sonnait faux pour moi car Yuuki n'était en rien mon enfant, mais plutôt ma Poupée. Une poupée de collection à laquelle je tenais bien plus que n'importe quelle chose ayant pu m'appartenir dans ma vie... Yuuki avait été ma rédemption, et il était ce qui me permettait encore de vivre, bien que tout cela... il m'était impossible de le lui faire savoir.

Visiblement vexé par mes paroles, il me repoussa, attisant en moi la zone de colère dans laquelle il valait mieux ne pas s'aventurer. Je détestai vraiment que l'on me repousse... D'autant plus venant de Yuuki, mais il était trop tôt pour que je le reprenne, n'ayant pas envie de le faire partir.
Je le suivis donc dans la salle de bain, laissant mon regard glisser sur son corps se dénudant rapidement. Il était toujours aussi beau, immaculé car je l'avais changé avant qu'il ne fasse d'erreurs comme se tatouer ou percer en des lieux inutiles. Je remarquais également son sourire en constatant que ses affaires étaient toujours là, et c'est le moment que je choisis pour m'avancer dans son dos, venant glisser les mains sur son ventre doucement pour le serrer contre moi un instant, avant de le porter dans l'eau.

"Laisse-moi faire ça pour toi."

Sans me justifier d'avantage, j'attrapais l'éponge qui avait toujours été la sienne, et la trempait dans l'eau avant d'y mettre le savon pour la faire glisser doucement sur ses épaules et le haut de son torse, m'étant assis sur le bord de la baignoire. Ce moment de calme à m'occuper de ma poupée me faisait un bien fou, et cette fois, ce fut à mon tour de partir loin, si loin dans les souvenirs, qu'une larme s'échappa, roulant sur ma joue pour finir par tomber dans l'eau, teintant le liquide clair d'une lueur rougeâtre.

Je n'avais pas eu le temps de réaliser que la tâche rouge dans l'eau venait de moi que Yuuki relevait les yeux vers mon visage tétanisé. L'écart que je venais de faire venait de compromettre des années de travail sur lui, et... et toute l'image que je voulais qu'il ait de moi. Et puis... il ne devait pas me connaître la moindre faiblesse si je voulais que notre relation continue, et surtout pas savoir que j'étais capable de ... souffrir. Je me le refusais à moi même, ce n'était pas pour le permettre à Yuuki. Mais c'était trop tard. Il se jeta presque sur moi et m'offrit un baiser à la tendresse écœurante. Je le laissais faire, encore trop sous le choc pour réagir, mais je ne le touchais plus en retour. Puis il récupéra la trainée, plongeant son regard dans le mien sans dire un mot. Je me redressais, essuyant ma joue d'un revers de manche avant de soupirer d'une voix dure, mais mal assurée.

"Oublie... ce que tu viens de voir. J'avais la tête ailleurs. Oublie. Je..."

Je fermais les yeux, en proie au doute. Qu'allait-il penser de moi maintenant ? Si tout ce terminait à cause de cette misérable erreur, je n'aurais jamais la force de continuer sans lui. Sans sa dévotion, sa crainte et son amour...

"Yuuki."

Me penchant sur lui, je l'attrapais par les cheveux pour lui faire relever la tête vers moi sans grande douceur, comme je l'avais toujours fait avec lui, un instant, je le regardais dans les yeux, comme pour m'excuser de lui interdire de voir "l'humanité" encore présente en moi.
Finalement, je tirais sa tête en arrière pour venir mordre vivement sa gorge et prendre quelques gorgées de son sang, me redonnant contenance. Je le lâchais ensuite et reculais.

"Je t'attendrai dans ma chambre."

Sans attendre, je m'en allais de cette salle de bain pour rejoindre celle de l'étage et me passer de l'eau sur le visage.

Une fois rafraîchit, et grâce au coup de fouet offert par le sang de Yuuki, je me sentais mieux et prêt à passer sur ce qui venait d'arriver. Mon petit blond devait certainement s'être fait de faux espoirs, à voir la manière avec laquelle il s'était jeté sur moi en ayant simplement vu une goutte de sang s'échapper de mon oeil. Je doutais. Fallait-il que je lui demande son avis maintenant ? Que je lui propose d'être plus doux, d'être comme un amant, tendre et aimant ? Je grimaçai. Si Yuuki m'aimait c'était parce que je l'avais récupéré, soumis et entretenu. Il m'aimait pour la bonne éducation que je lui avais donné, et parce qu'il savait que ma fermeté ferait durer notre relation. Si je m'adoucissais maintenant, si je sombrais dans la gentillesse mielleuse, il se lasserait de moi. C'était hors de question.

Au bout de quelques minutes, Yuuki refit son apparition, entrant dans ma chambre pour m'y rejoindre, en peignoir, et le visage toujours aussi doux. S'il m'en voulait, il avait décidé de le cacher, et je le remerciais silencieusement pour ça.

"Allonge-toi ma Princesse..."

Plus de douceur... Après tout pourquoi pas. Il n'était pas là pour une punition ce soir, il était venu me voir alors que je songeais qu'il me manquait... il méritait bien une récompense pour ça.
Le laissant s'allonger sur le lit à mes côtés, je me tournais vers lui, glissant un ongle sur le haut dégagé de son torse pour y appliquer une longue griffure. Un instant plus tard, la marque était teintée du sang de mon protéger, et je parcourais la ligne de ma langue, remontant d'entre ses côtes jusqu'à sa gorge, lentement, pour finir par prendre ses lèvres en un baiser fougueux, la main contre sa joue.

La tristesse qui m'avait submergé ce soir au point que j'en vienne à me laisser aller devant Yuuki n'était pas encore tout à fait partie. Je ne me sentais pas vraiment bien, mais je ne pouvais pas me laisser aller pour autant, au risque de passer pour un faible devant celui pour qui je voulais être protecteur.

"Ma poupée..."

Glissant les doigts de ma joue à sa gorge, je les laissais parcourir lentement son torse pour descendre en une tendre caresse. J'avais rarement été si calme et doux avec lui, préférant user de violence sur son corps si fragile... Mais ce soir il n'était pas bien, et moi non plus... j'avais envie de le réconforter, et de lui faire savoir que je n'étais peut être pas aussi insensible que je pouvais en avoir l'air...
Je le redressais contre moi pour lui retirer les manches du peignoir avant de le rallonger correctement pour grimper au dessus de lui. Attrapant une de ses mains, je la remontais au dessus de sa tête avant de glisser à son poignet le bracelet de menottes déjà liées à la tête du lit. Je ne comptais pas entraver ses deux mains... une suffirait bien amplement.

"Je n'avais pas l'intention de te laisser partir cette nuit."

Embrassant le haut de son torse, j'achevais d'ouvrir le peignoir pour laisser mes mains profiter du contact de son corps tout entier. Il sentait bon maintenant... et sa peau douce et claire tout comme ses lèvres pleines ne me faisaient penser qu'à une chose... sa beauté était un véritable appel au viol.

"Dis-moi de quoi tu as envie, toi. Pour une fois..."

Installé au dessus de mon petit blond, je me laissais aller à le contempler encore et encore, caressant son corps de part en part, inlassablement. Je l'aimais toujours autant. Je n'aurais jamais pensé être capable de ça pourtant.
Alors qu'il me réclamait de la tendresse, je souris légèrement, calant mon bassin contre le sien en prenant sa main dans la sienne pour la poser sur le premier bouton de ma chemise de soie noire.

"Je ferais ce que je peux..."

La tendresse n'était pas mon fort... mais s'il le voulait, je pouvais toujours essayer. Il écartait déjà les cuisses de manière accueillante et je reprenais un regard froid, sévère et perçant pour scruter les moindres parties de son corps que je débarrassais définitivement du peignoir. Il avait de la chance d'être vampire, sa peau se régénérait assez vite pour que je ne puisse pas voir les traces de morsures ou de blessures que d'autres que moi auraient pu lui faire...
Venant mordiller une de ses perles de chair, je descendais caresser l'intérieur de ses cuisses du bout des ongles, griffant toujours sa peau pour pouvoir venir lécher les petits filets de sang qui s'en échappaient...

"Tu m'appartiens... tu m'appartiendras toujours, n'est ce pas..?"

Yuuki m'ôta finalement ma chemise, comme je l'avais ordonné sans un mot, juste en plaçant sa main sur le premier bouton. Je soupirais doucement, venant contre lui pour coller son corps au mien et le serrer un peu lors d'un nouveau baiser qu'il réclama en attirant mon visage vers le sien. Il voulait diriger ? Il me caressait la joue, comme moi je l'aurais fait avec lui...ou un autre esclave. Je soupirais doucement lorsqu'il me relâcha, plongeant mon regard dur dans le sien pour écouter ce qu'il avait à dire, et là quoi ? Un ordre... Il allait trop loin. Il voulait de la tendresse, j'acceptais, mais me faire commander par un esclave, certainement pas. Même un ex-esclave, si on voulait être précis.

"Pour qui te prends-tu, à m'ordonner !"

Premièrement, il n'aurait pas de réponse, même si bien sûr il resterait le seul dans mon coeur. Pour toujours parce qu'il ne pouvait pas en être autrement. Mais je restais... Juka. Et ça jamais ça ne changerait.
Attrapant sa deuxième main, je la remontais pour l'attacher aux côtés de la première avant d'attraper ses cheveux pour lui soulever légèrement la tête.

"Je suis le maître. Moi seul, Yuuki !"

Je le relâchais vivement avant de quitter la pièce, le laissant là sans savoir si j'allais revenir ou pas. Mais évidemment, j'allais revenir. Et équipé...

Je ne quittais pas la chambre vraiment longtemps, juste assez pour réfléchir, pour me calmer. Yuuki éveillait en moi bien trop d'émotions, bien plus que ce que je n'avais jamais eu le droit d'éprouver pour qui que ce soit, et cela m'effrayait sûrement. Je ne voulais pas qu'il le sache, qu'il connaisse ma faiblesse, ou que l'on apprenne que je tenais à lui... En tant que propriétaire de la boutique d'esclaves, je m'étais fait de nombreux ennemis, mais je restais intouchable... si l'on souhaitait vraiment m'atteindre, me faire du mal, me soumettre, il faudrait menacer Yuuki... pour ça, personne ne devait savoir ce que j'éprouvais pour lui, pas même le concerné.

Soupirant finalement, j'attrapais l'étui d'une petite dague d'argent et revenais vers mon ancien esclave, le regard avec un faux mépris parfaitement contrôlé. Il était vraiment excitant, ainsi exposé, impuissant, avec la trace d'une larme au coin de l'oeil...
J'approchais, remontant au dessus de lui, venant lécher le sang étalé par la larme et ainsi nettoyer sa peau.

"Tu es... le seul... à ne pas être de la marchandise."

Doucement, je glissais une main dans ses cheveux, laissant la pointe de la lame glisser entre ses côtes et entailler sa peau claire dans la longueur, du haut du torse jusqu'au nombril. Yuuki... ma poupée... le seul que je mettais dans mon lit pour jouer... le seul que j'avais envie de prendre dans mes bras après tout ça. Un privilégié, même s'il ne s'en doutait peut être pas assez.

Pour une fois, j'avais voulu tenter de donner satisfaction à Yuuki, de ne pas agir comme un maître avec son esclave mais comme... un amant. Sauf que ça s'était à nouveau avéré au dessus de mes forces. Faire preuve de douceur et de tendresse, je me l'étais interdit il y a bien longtemps et à présent, même lorsque je voulais m'y risquer, je finissais par redevenir le terrible "maître Juka"... qui ne peut être que craint, et non aimé. Mon Yuuki finirait par se lasser de tout cela, et maintenant que je lui avais rendu sa liberté, je craignais par dessus tout qu'il décide de me quitter définitivement, et pourtant, je ne pouvais plus le retenir. Pourquoi l'avais-je libéré ..? Ah oui... par amour.

Je ne regardais plus le blond, observant plutôt les lignes de sang tracées du bout de ma lame sur sa peau claire et parfaite. Je pouvais sentir la crainte dans ses mots, en l'entendant me dire qu'il regrettait, en s'inquiétant que je le punisse...

"Tu m'as manqué Yuuki. Je n'aime pas que tu sois loin longtemps. Je n'aime pas que d'autres puissent jouer avec toi. Tu es... à moi."

J'avais laissé ces paroles douloureuses passer ma gorge pour être certain qu'il comprenne, bien qu'il m'en coutait de l'affirmer comme ça. Il fallait qu'il sache que je tenais à lui et que ma façon de le traiter était... une preuve d'affection ?
Je me penchais finalement pour venir lécher le sang et regarder les plaies se reformer pendant qu'une de mes mains déposait une caresse à l'intérieur de sa cuisse...