Visiteur nocturne ~ [Mikaru]

Un nom me hantait l'esprit depuis quelques jours, depuis qu'un nouvel arrivant avait fait son entrée dans notre manoir mais surtout dans le cœur de mon maître. J'avais toujours eu conscience de l'amour que Gackt portait aux autres, sachant pertinemment que je ne pouvais lui suffire à moi seul et il s'était souvent justifié par le fait qu'il avait besoin de se nourrir sur un autre humain pour ne pas m'affaiblir, et donc, qu'il était obligé d'avoir deux esclaves... cependant je savais maintenant que tout ceci n'était qu'une excuse et qu'il aimait les autres tout autant que moi... que si j'avais un jour été privilégié au sein de ses favoris, ce n'était plus le cas. A présent, je me sentais délaissé, à l'écart. A cause de lui, de ce Mana qui avait fait irruption dans ma vie aussi soudainement.

Par sa faute, je me sentais tellement blessé que je m'étais finalement isolé moi même, restant dans ma chambre plus souvent, d'humeur plus maussade et plus sombre qu'à mon habitude. J'évitais le bois par crainte d'y recroiser Mikaru. Le souvenir de son dernier viol était encore bien ancré dans ma mémoire, tout comme la douleur qui s'était installée pendant plus d'une semaine avant de commencer enfin à s'estomper. Jamais il ne m'avait fait aussi mal, et pourtant je n'en étais plus à mon premier rapport avec lui, loin de la. Depuis deux ans que je le connaissais, il avait toujours été pour moi une sorte de ... défouloir. Certes, il dominait et moi non, mais je n'avais jamais eu à me retenir de l'insulter, et il savait repousser mes limites, me faire mal sans que cela devienne insupportable... hormis la dernière fois. Maintenant j'étais méfiant, et n'avais plus d'autre choix que de l'éviter, demeurant pour cela des nuits entières sans quitter ma chambre, sans parler à quiconque, puisque de toute façon Gackt sortait avec Mana, et les nuits où il était disponible, je les passais à ses côtés et ne risquais pas d'être agressé par... la chauve souris.

Ce soir là, j'avais demandé aux domestiques de m'apporter le repas dans ma chambre. Je les avais ensuite chassé pour poser le plateau sur mon lit et manger, tranquillement allongé, la musique allumée en fond. Je déchirais les morceaux de poulet sans douceur et ne touchais pas à mes légumes. En fait, je me rendais compte que même manger ne me faisait plus plaisir. Je n'avais plus envie de quoi que ce soit. Les choses tournaient mal... tellement mal. Je songeai à partir, mais pour aller où, alors que mon monde était ici... que Gackt... était ici ...
Finalement je me relevais, enfilant un jean, déchiré aux genoux mais dans lequel je me sentais à l'aise, puis je passais un t-shirt noir, bien trop grand pour mon torse frêle. Ceci fait, j'ouvris la fenêtre, allant poser les coudes sur la balustrade de mon petit balcon pour poser au loin un regard fatigué. Comme j'aurais aimé revenir un an en arrière... quand j'avais pour moi tout l'intérêt de Gackt, le sexe avec son fils, et toute l'étendue du parc pour me divertir... A présent... je n'étais plus que l'ombre du Kousei que j'avais été.

Ces dernières semaines ne se passaient pas bien. Tout m'agaçait, la présence de Mana au manoir plus particulièrement. Je savais que les rebelles devaient être au courant et n'hésiteraient pas à tenter des attaques contre Gackt maintenant qu'il avait une nouvelle faiblesse. En plus de ça, ils sortaient souvent en ville ensemble, s'affichant sans craintes, alors que je comptais les rares fois où le maître m'emmenait à l'extérieur... Peut être me jugeait-il trop bête pour apprécier les mondanités ? Issu d'une culture trop pauvre, pas assez distingué. Alors que Mana... Ah Mana ! Une vraie poupée de porcelaine qu'il pouvait trainer dans tout les lieux chics où il devait craindre que je lui fasse honte, surement, moi Kousei, le funambule qui ne sait pas tenir en place plus de cinq minutes.

Je soupirais, le regard perdu au loin vers la forêt et le lac que je pouvais apercevoir depuis ma chambre. Un vent frais me fouettait le visage et je frissonnais doucement, pris d'un mauvais pressentiment soudain. Gackt m'oubliait, Mikaru devenait méchant, et moi maintenant, j'étais totalement seul, livré à moi même et disparaissant dans ma chambre pour ne pas avoir à croiser leurs regards. J'avais envie de pleurer... D'ailleurs, une larme roula sur ma joue avant même que j'ai pu comprendre ce qu'il m'arrivait. D'un revers du poignet, je m'essuyai la joue. Ce n'était pas le moment de me montrer faible.
J'avais envie de rire, de grimper sur les toits et faire la roue, de prendre des risques et d'impressionner Gackt... mais j'avais bien l'impression que tout ceci était fini désormais.

Alors que je me perdais dans mes pensées, une voix bien connue me ramena vite à la réalité... Mikaru. Dans ma chambre. Je me figeai sur place, espérant avoir rêvé cette voix, puis avec lenteur je me retournais vers la fenêtre pour l'y voir, il se tenait là, les bras croisés, appuyé au cadran...

« Qu'est ce que tu fais là..? »

Répondre à sa question ? Hors de question. Ça se voyait que je n'allais pas bien et il avait bien du lire en moi ce que je ressentais...

« Ça fait longtemps que tu m'espionnes, vampire ? »

Alors que j'avais tout fait pour l'éviter, voilà que je le trouvais là, sur MON territoire ... Un frisson me parcourut l'échine, je repensais à la dernière fois...

Inutile de rappeler la peine que je ressentais depuis l'arrivée de Mana au château. Tout allait mal pour moi et je n'avais pourtant pas pour habitude de me laisser abattre ou de connaître des états d'âme comme c'était le cas depuis quelques temps. Là, je n'en pouvais plus. On touchait à l'homme que j'aimais, le seul et unique à qui j'ai voué ma vie, et le fait qu'il m'oublie et me délaisse me faisait sombrer dans une véritable dépression.
Je m'étais retiré, ne quittant plus ma chambre, ne mangeant presque rien. Même l'idée d'aller retrouver Mikaru me faisait frissonner, après ce qu'il s'était passé la dernière fois, je n'avais plus aucune envie de jouer avec lui. En somme, j'avais tout perdu.

Ce soir là, alors que je regardais dehors, laissant mes sombres pensées voguer dans mon esprit, j'avais fini par me retourner vers un visiteur inattendu et surtout, non désiré.
J'aurais apprécié une visite de Gackt, ou d'un serviteur m'apportant un présent de sa part, ou n'importe quoi d'autre, mais le fait de voir Mikaru dans ma chambre ne me plaisait pas du tout. Je tremblais doucement, essayant de cacher mes craintes lorsqu'il me dit qu'il n'était pas là depuis longtemps... C'était tout de même trop longtemps pour moi.


- T'as pas le droit d'être ici.

Il ne bougeait pas. Il devait bien savoir que sa présence me dérangeait, en plus de me faire peur. Je n'avais pas compris son comportement la dernière fois, et j'en avais réellement souffert.N'ayant pas la moindre envie de recommencer je l'avais évité avec soin, et voila qu'il se pointait directement "chez moi". Non, ça n'allait pas...
Alors que je choisissais de lui tourner le dos de nouveau, espérant ainsi le faire partir, je l'entendis prononcer quelques mots qui firent aussitôt monter le sang à ma tête. Si ça faisait mal ..? De qui se moquait-il...?

Je tournais la tête vers lui de nouveau, plongeant mon regard dans le sien. Ce monstre me provoquait et j'ouvris la bouche pour répondre, mais aucun son ne parvint à franchir mes lèvres. Baissant alors la tête, je laissais mes yeux s'embuer de larmes qui se mirent aussitôt à couler sans prévenir. Je fermais les yeux, serrant les dents pour ne pas laisser la peine me submerger et au lieu de ça je m'avançais vers lui pour le pousser avec toute la force que je possédais (autrement dit, rien face à lui).


- Dégage ! Tire-toi ! Sors de ma chambre ! J'ai pas besoin de tes sarcasmes !!

Pourquoi fallait-il qu'il vienne jusque dans ma chambre pour me provoquer maintenant ? Aussi loin que je pouvais me souvenir, il n'avait jamais mis les pieds ici, il savait que ça lui était interdit et qu'il prenait des risques si on le dénonçait, si maître Gackt le voyait là. Et pourtant non, il avait pris le risque et tout ça pour venir me jeter à la figure des paroles blessantes ? Je ne le comprenais pas.
Peut être s'était-il persuadé que cette fois aussi, je prendrais sa défense... sauf que je n'étais plus d'humeur à me laisser marcher dessus. Mana suffisait bien emplement à mes malheurs actuels et je n'avais plus vraiment envie d'en rajouter. Les jeux avec Mikaru me plaisaient ... mais depuis la dernière fois, j'avais peur de lui. Peur de ce qu'il pourrait me faire, et s'il savait que Gackt se fichait bien de moi à présent, que ferait-il ? Il n'y aurait plus de limites entre nous...

Je pleurais. Toute la colère accumulée ces derniers jours faisait surface devant lui, et sa provocation ne faisait que m'énerver d'avantage. Il riait, il se moquait... qu'étais-je face à lui ..? Rien que l'esclave de son père... rien de plus... qu'un humain. Il m'attrapa le poignet rapidement et je retins mon souffle un instant, inquiet. Il m'attira contre lui et je forçais pour m'en éloigner. Ce n'était pas le moment ... vraiment pas ...
M'étant écarté, je l'écoutais en rajouter, il semblait vraiment vouloir que je le frappe, et moi... j'avais véritablement besoin d'évacuer toute cette rage qu'il venait de réveiller et de pousser à bout. Je le regardais s'avancer, et me laissais enfin aller à marteler son torse de mes poings, sachant que je ne lui faisais certainement pas mal, mais ce n'était de toute façon pas le but. Je l'avais compris... il n'était pas venu pour me faire du mal, mais pour m'aider... aussi surprenant que ça puisse être.


« Je le sais ! Je le sais mais je ne veux pas... Je ne veux pas... finir comme toi ! »

Les larmes ruisselant le long de mes joues rougies par la haine et ma tristesse, je le frappais à répétition, parvenant à le faire reculer de quelques pas dans la chambre. Je fermais les yeux, mes gestes s'épuisant et finalement je m'arrêtais pour venir poser la tête contre son torse.


« C'est ça... être l'esclave du premier..? C'est pouvoir être délaissé... quand il a trouvé un nouveau jouet..? »

Finalement, Kousei se laissait aller. Il avait tellement besoin de ça pour évacuer toute la rage qu'il avait accumulée depuis ces derniers temps. Ce n'était pas bon dans le fond et j'en savais quelque chose, c'était la raison pour laquelle j'étais venu le voir. La colère pour un humain n'est vraiment pas bonne à garder au fond de soi. Ne me débattant donc pas quand il se mit à me frapper, je le laissais s'épuiser contre moi, me frapper ne ferait rien, seul les mots sont blessants... Et effectivement, sa remarque avait fini par atteindre mon coeur de pierre. J'étais pire que lui. Personne n'avait voulu me donner de l'attention quand je fus délaissé par mon père.

Enfin, je reculais à l'intérieur, je n'avais pas pû résister à cette nouvelle poussée, trop perdu dans mes pensées pour m'en rendre compte. Puis, finalement, il s'arrêtait de marteler ma poitrine de ses petits coups pour finalement laisser sa tête retomber sur mon torse, toujours en larmes. Là, je ne savais plus quoi faire. Je n'étais pas très câlin, mais en même temps, j'étais venu pour lui alors... Au final, je passais ma main dans ses cheveux pour les lui caresser un peu. Une nouvelle question de sa part... Je ne savais pas trop comment y répondre, sachant que moi non plus, je n'avais pas tellement compris le mode de fonctionnement de mon père à cette époque là. Du jour au lendemain, être de nouveau seul sans rien pour avancer dans la vie, ça faisait mal... Hochant la tête à cette remarque, je ne pouvais qu'affirmer ça. Comme il l'avait dit, il ne voulait pas devenir comme moi, aussi amer avec la vie.

"- Je crains que oui Kousei... Il a fait ça avec tout le monde... Et une fois qu'il aura trouvé mieux encore, il délaissera l'autre. C'est une chaine sans fin. Je n'ai pas encore trouvé le moyen d'y remédier."

J'étais triste de notre condition. Je n'avais aucun moyen de contredire Gackt sans qu'il y ait de représailles de sa part. J'en avait peur, tout comme les autres. Alors pour le moment, je restais là à réconforter un humain...
Je devenais pitoyable...

Mon intention première n'avait pas été de blesser Mikaru lorsque je dis que ma pire crainte était de "finir comme lui". Pourtant après coup, je réalisais l'impact de mes mots et comprenais alors tout ce que pouvait bien ressentir le vampire, et sûrement depuis bien plus longtemps que moi. Lui aussi avait été délaissé par son maître et père, après avoir été l'un de ses favoris... Lui aussi avait connu ce déchirement, mais pire que tout, il était condamné à passé l'éternité avec ça dans la tête, alors que ma pauvre vie mortelle n'était rien à côté. Et alors que Mikaru semblait avoir toujours affronté cela seul... il était là, pour moi... au moment ou je me sentais le plus mal.
Je relevais les yeux vers lui, intrigué. Nous nous détestions... nous passions notre temps à nous faire du mal et nous chercher l'un l'autre, alors pourquoi fallait-il que maintenant il vienne m'apporter du réconfort ? Que faisait-il là...?

- Tu es venu... rompre la chaîne...

A ses mots, je compris que le seul moyen de mettre un terme aux souffrances causées par l'égoisme de Gackt, c'était sûrement de nous unir... nous les délaissés, les laissé-pour-compte. Mikaru comme moi... Pourrions peut-être nous offrir le réconfort nécessaire à atténuer nos peines et ... reprendre avec la vie... en laissant de côté le terrible point commun qui nous avait poussé à nous haïr, notre amour pour le Premier. Mon maître, son père... notre bourreau.

- Toi... qui me réconforte... alors que... alors que tu as toujours été là pour me faire du mal.

Je souris légèrement, essuyant mes joues humides d'un revers de manche. Le vampire m'impressionnait tant il était imprévisible, et c'était l'une des choses qui m'avait toujours plu chez lui... Je murmurai son nom, attrapant sa main froide entre les miennes, acceptant par ce geste ce qu'il était venu faire... acceptant... une avancée considérable entre nous deux, d'ennemis et rivaux, nous devenions égaux.

- Finalement... tu n'es peut être pas un monstre.

J'avais laissé à Kousei le loisir de se défouler sur moi. En un sens, c'était un juste retour des choses sachant que je lui avais fait plus de mal que lui m'en faisait. Mais... Il ne faisait que se soulager de cette manière. Et puis c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour l'approcher, bien que le premier contact fut tout de même assez agressif pour sa part. Je ne lui en voulais pas. C'est ce qui comptait. Pour le moment, je le réconfortais pendant que lui pleurait. Je ne sais pas ce qu'il me prenait de donner quelque chose que moi je n'ai pas eu quand tout ça m'est arrivé... Ca avait été difficile, mais la haine fut ma seule amie à ce moment là. Je ne voulais pas que Kousei soit autant détruit que moi j'avais pû l'être.

Kousei parlait, séchant ses larmes. Je l'écoutais patiemment. Peut-être que je cherchais à briser cette chaine que mon père mettait en place en jetant toujours ce qu'il avait trouvé pour quelque chose de nouveau. Seulement, il ne se rendait pas compte du mal qu'il faisait derrière. Il ne se retournait pas pour voir ce qu'il se passait sous son toit. Tout le monde se tirait dans les pattes pendant que lui prenait du bon temps avec la nouveauté. Rien que d'y penser, ça me donnait envie de vomir dans un sens.
Puis, je sortais de mes pensées parce que Kousei attrapait ma main. Je le regardais ensuite dans les yeux tandis qu'il admettait que je n'étais pas un monstre. Si... Je le suis parce que je ne suis pas humain. Cependant, il me reste quelques sentiments ou émotions humains... Les chose que nous sommes incapable de jeter aux orties... Que pouvais-je répondre à ça sincèrement...?

"- Personne ne mérite de vivre pareille souffrance... Ca peut paraitre surréaliste que ce soit moi qui te dise ça, mais voilà... J'ai pas vraiment envie que tu tombes dans la même spirale infernale que la mienne..."

J'étais sincère, je pensais vraiment les mots que je disais. Ce qui était rare, surtout pour un humain.