Lesson for a Princess {Hizaki}

Invité

Débauche, alcoolisme, prostitution. J'avais appris à ne pas avoir honte de ces mots qui faisaient partie intégrante de mon existence. Plus que cela, ils étaient les piliers de ma vie, ce qui me permettait de vivre, de me nourrir, de m'embellir chaque jour pour mieux plaire et rapporter d'avantage. La maison m'aimait, les clients m'appréciaient, mes collègues m'enviaient, et face à tout cela, il fallait que moi, Ruki, le petit premier parmi les hosts, gardent la tête haute et ne commette jamais un seul faux pas.
Le moindre de mes gestes était sans cesse observé, étudié, il me fallait calculer tout, jusqu'aux mots que j'employais selon les clients qu'il me fallait accompagner, et surtout, ne jamais aller contre leur volonté, car c'est ce qui avait fait mon succès. Ruki le polyvalent, celui que l'on peut plier à sa convenance... Mais ce soir là, j'avais été poussé un peu trop loin dans l'excès.

Mon client était un vampire ancien, un habitué qui m'avait toujours donné du mal de par le simple fait qu'il adorait le sang fortement alcoolisé. Pour ne pas dire, qu'il fallait que le goût de l'alcool soient encore plus fort que celui de mon liquide vital, si je voulais le satisfaire. Chaque fois, il me faisait enchaîner les verres jusqu'à ce que j'en perde la raison. Il profitait ensuite de mon corps, riant de mes gestes maladroits et engourdis, avant de drainer en partie le poison qu'il m'avait fait ingurgiter pendant des heures. Et comme à l'accoutumée, après son départ, l'élégant, le talentueux, le désirable petit blond n'était plus qu'une loque bonne à aller rejoindre les toilettes pour se faire vomir et être capable d'assurer la fermeture du club et le retour jusqu'à son appartement.

Ce soir-là, vous l'aurez compris, je me trouvais dans un état pitoyable. Il devait être environ cinq heures du matin et mon cher client, pris de pitié pour l'état dans lequel il me laissait, eu la gentillesse de me conduire jusqu'aux WC de l'étage des hosts avant de prendre congés. Je m'estimai heureux que ses visites se limitent à une seule par mois, car j'aurais pu difficilement supporter un tel rythme de vie...
Enfonçant les doigts dans ma bouche, les larmes aux yeux, je m'obligeai à rendre la quantité affolante d'alcool que mon corps n'avait pas encore filtré, et durant de longues minutes je sentais les regards se poser sur ma cabine ouverte. A quoi bon la fermer, après tout, je n'avais rien à cacher. Même les plus parfaits ont leurs problèmes. Le mien était là.
J'avais besoin d'une douche après tout ça et je bénissais silencieusement l'architecte des lieux d'avoir fourni à l'étage des hosts un vestiaire munit de douches dans les loges. Appuyé au rebord des toilettes, il me sembla faire un effort colossal pour me remettre sur mes jambes et tirer une énième fois la chasse d'eau. La tête me tournait, tout semblait tanguer lascivement autour de moi alors que j'étais bien conscient que ça ne venait que de moi. Mes gestes se trouvaient considérablement ralentis et je sentais mes membres comme engourdis, à chaque pas, j'avais la sensation qu'au prochain ce serait le sol qui m'accueillerait, mais si cela venait à arriver, j'étais certain de ne plus pouvoir me relever.
Finalement, avec l'aide des murs et sous les regards moqueurs des envieux, qui pour le coup ne m'enviaient plus rien du tout, je regagnai les douches pour passer une bonne trentaine de minutes sous le jet brûlant et réconfortant, vérifiant par la même occasion qu'il ne subsistait aucune marque disgracieuse sur mon corps à la peau parfaite. Tous mes vampires étaient au courant, où qu'ils veuillent mordre, ils le pouvaient, à l'unique condition de refermer mes plaies par la suite, afin que je reste beau et présentable jusqu'au jour où l'un d'entre eux accepterait enfin de me faire le don, pour que je rejoigne le monde des enfants de la nuit... Ah j'en rêvais.

Après le passage obligé aux toilettes, puis la douche, je me sentais déjà beaucoup mieux. Je ne prenais pas la peine de sécher mes cheveux mais j'appliquais tout de même une crème de nuit sur mon visage avant de remaquiller le contour de mes yeux afin de pouvoir faire une sortie présentable. Je n'avais plus l'air si pitoyable... Mon regard était plus brillant qu'à l'ordinaire, mais c'était bien la seule chose qui témoignait encore de mon état d'ébriété presque passé.
Remaquillé, rhabillé, j'avais envie d'une cigarette. Dans les vestiaires, j'ouvrais mon paquet... vide.

« Merde ... »

Levant les yeux vers les autres hosts encore présents, je réalisai combien j'étais seul alors qu'ils parlaient entre eux, se racontant les anecdotes de leur soirée en riant ou en pestant contre leurs clients. Moi, j'avais été mis à l'écart dès le début, car je ne me mêlais pas à eux. Les clients prenaient tout mon temps et je m'étais rarement attardé à m'approcher des autres dont je savais clairement qu'ils ne m'appréciaient pas. Pourtant, il y avait un nouveau... Je l'observai tandis qu'il rangeai des affaires dans son casier. Lui aussi était souvent seul, à croire que les autres ne supportaient pas les gens... différents. J'entendis alors pourquoi les autres riaient. Ils se moquaient, en parlant de lui. C'était assez pour moi, j'oubliais mon envie de cigarette et décidais de donner à ce petit ce que les autres n'auraient jamais. Ma présence.

« Hey. Hizaki c'est ça ? »

Approchant de lui, je venais m'adosser au casier le plus proche du sien, lui adressant un sourire amical. N'oublions pas que j'étais encore ivre, mon niveau de conversation risquait d'être limité, mais je n'avais envers lui aucune mauvaise intention.

Invité

La nuit avait été longue. Encore et toujours. Elle s'était déroulée de la même façon que celle d'avant et encore d'avant. Si je ne me retenais pas, je finirais par pleurer. Mais je m'y refusais. Si ça se passait comme ça, c'était entièrement de ma faute. Je devais progresser, le problème c'est que je ne savais vraiment pas comment faire. Je ne savais même pas ce qui était le plus problématique pour les vampires mise à part mon inexpérience. Et moins ils me touchaient, moins j'avais d'expérience c'était un cercle vicieux dans lequel j'avais été plongé dès le début. Peut-être que je n'avais jamais été fait pour ce travail, pourtant, il ne me déplaisait pas tant que ça, même pas du tout et je n'étais pas quelqu'un de prude, excepté avec mon propre corps que j'avais du mal à regarder. Les vampires pouvaient bien me demander ce qu'ils voulaient, ce n'est pas moi qui risquait de dire non. Seulement voilà. Ils ne demandaient rien d'autre qu'une petite goutte de sang par-ci par-là.

J'étais retourné dans les loges pour me changer. Seul, comme d'habitude. Me mêler aux autres étaient difficile et même après une année entière, je n'avais pas réussi à m'intégrer au groupe des hosts. J'étais toujours le petit nouveau, celui qui n'y connaissait rien. Le bleu. Et mon physique n'aidait en rien à faire changer les choses. J'avais l'air fragile et je ne répondais pas aux attaques personnelles pour ne pas me faire virer de mon précieux travail. Car même si je n'avais aucun succès, je ne quitterais ce poste pour rien au monde. Maître Gackt en personne me l'avait offert et je serais persévérant jusqu'à ce que je lui fasse honneur. Mais en fait...c'était ça qui incommodait le plus mes collègues. Le fait que ce soit Maître Gackt qui m'ait embauché pour le job avait vite fait le tours des employés du Night Club, tout le monde le savait et les plus jaloux me le reprochaient.

Ce soir ne faisait pas exception. J'avais revêtu mon pantalon de tailleur noir ainsi qu'une chemise fine de couleur saumon quand les chuchotements commencèrent à se faire plus forts. J'avais couché pour avoir mon poste. J'avais envouté Gackt avec mon physique de femme. J'avais fait exprès de ne pas toucher aux vampires ici. Je voulais rester pur pour mon Maître. Sauf que voilà. Je n'avais pas revu Maitre Gackt depuis cette nuit là et je n'avais pas couché avec lui pour le poste, c'est lui qui m'avait embauché pour pouvoir coucher avec moi, là était toute la nuance. Mais j'avais l'habitude et à quoi bon leur dire que c'était faux, ils ne feraient que croire que c'est encore plus vrai.

Je sursautai en sentant quelqu'un approcher dans mon dos. Et je vis soudain Ruki se poser contre le casier à côté du mien. Les mains sur un bouton de ma chemise pour tenter de le fermer, je le regardai stupéfait. Pourquoi s'approcher de moi, Lui ? Alors que les autres me détestaient. Je le voyais souvent à l'écart lui aussi...en tout cas quand je le voyais, car il était le plus populaire du Club alors les clients lui prenaient énormément de temps et il finissait souvent plus tard que nous tous. Je souris légèrement quand je vis qu'il connaissait mon nom. J'étais tellement admiratif. Si je pouvais être son fan n°1, je le serais sans aucune hésitation.

« Oui...c'est bien Hizaki... »

Je le regardai un moment sans baisser les yeux, il avait l'air mal-en-point et je me souvins l'avoir vu beaucoup boire cette nuit. L'alcool ne passait peut-être pas, en tout cas j'aurais été bien incapable de boire autant qu'il avait fait, je serais tombé bien avant. Pourtant, il ne perdait pas de son charisme. Malgré son succès, les autres étaient jaloux sans aucun doute, et d'une manière ou d'une autre je pouvais sentir sa solitude qu'il ne semblait pas vouloir montrer.

« Vous n'avez pas l'air bien Ruki... »

En fait ses yeux brillaient d'une lueur étrange et fatiguée. Je m'inquiétai soudain, ne portant aucune attention aux railleries que reprenaient et qui parlaient à présent de Ruki et de moi. Les sales bêtes. Si j'avais pu leur clouer le bec avec une bonne gifle, je n'aurais pas hésité un seul instant !

Invité

Les murmures des autres à l'attention du bleu me dérangeaient personnellement. A vrai dire, j'avais pris l'habitude que les moqueries, les piques jaloux me soient tous adressés, mais depuis qu'Hizaki nous avait rejoint, la méchanceté gratuite de nos collègues se tournait vers lui. Ce que je ne comprenais pas vraiment, c'était pourquoi. Après tout, il ne constituait pas une menace pour nos pourboires, loin de la même, et n'attirait pas une foule de clients. Pourtant, son apparence était soignée, originale. Il était le seul à se travestir de cette façon et pouvait constituer une proie de choix pour les vampires en quête d'un peu de dépaysement. Pourquoi alors cela ne fonctionnait pas, et pourquoi les autres lui en voulaient, outre le fait que Gackt l'avait lui même choisi ..? S'il leur en fallait si peu, alors ils étaient décidément bien plus stupides que je ne le pensais.

Appuyé aux casiers près de la jolie poupée, je ne pus m'empêcher de sourire en le voyant sursauter à mon passage, comprenant facilement pourquoi. Il n'avait sûrement pas l'habitude d'être approché hors du service, et quand bien même il l'était, ce ne devait pas être pour des moments agréables. Avec moi ça changerait, j'avais l'intention de m'occuper de lui pour la soirée et de lui laisser une chance que je n'avais jamais accordé aux autres. Il le méritait, et la tristesse que j'avais observé dans ses yeux m'avait touché. Hizaki n'était pas ici par plaisir, je ne dis pas que je supposais que son métier ne lui convenait pas, mais je pouvais facilement deviner des motivations externes. Se vendre ne faisait pas parti de son caractère, et il manquait visiblement d'assurance en tant qu'host. Peut être qu'avec mon aide, il deviendrait plus ... attrayant ? Et dans ce cas, ma réputation monterait encore d'un cran, en plus d'avoir un novice à moi ... Cette idée me plaisait assez...

Il sembla surpris que je l'interpelle par son nom, mais j'appréciais de voir un léger sourire se dessiner sur ses lèvres à cet instant. Je me tenais souvent à l'écart, pour ne pas dire toujours, mais il n'empêche que je savais avec qui je travaillais. Je connaissais plus ou moins chacun des employés du Night Club, de leurs noms jusqu'à leurs pratiques et pour cela, il ne m'était même pas nécessaire de les avoir un jour approché. Les clients parlaient, comparaient... Et puis j'aimais savoir le nom des gens dont je partageais la vie, même s'ils ne m'appréciaient pas. Hizaki n'échappait donc pas à la règle, lui, le petit phénomène qui me volait les railleries.
Je souris un peu en voyant qu'il baissait les yeux devant moi. Avais-je l'air si pitoyable que cela pour qu'il trouve que je n'avais pas l'air bien ..? Oh s'il savait ...

« J'ai connu de meilleures soirées, en effet. Mais ce n'est qu'un peu trop d'alcool, ça passera. »

Attendant qu'il ait terminé de ranger ses affaires, je passais doucement la main dans son dos, lui adressant un sourire délicat. Un de ceux qu'aimaient tant mes clients, avant de venir murmurer à son oreille des mots qui, je le savais, seraient interprétés par les autres comme une invitation à coucher. Ils n'entendraient pas, et jugeraient trop vite, comme toujours.

« Que dirais-tu de prendre un café avec moi ? Je ne me sens pas en état de rentrer tout de suite... »

Mon invitation lancée, je reculai un peu la tête pour plonger mon regard bleuté dans les yeux sombres de mon vis à vis. De tout coeur j'espérais qu'il accepterait, premièrement, parce que c'était une chance que je ne permettrai pas deux fois à quelqu'un, et ensuite, parce que j'avais cruellement envie de lui. D'un coup... comme ça... peut être était-ce les effets de l'alcool ? Et dans ce cas, il me fallait les calmer rapidement. Autrement, c'était peut être le signe qu'il était temps que je prenne cette petite poupée en main pour lui apprendre les ficelles de notre métier complexe...
La main toujours posée dans son dos, je caressai doucement le tissu de sa chemise fine, sentant sous mes doigts que sa peau devait bien être aussi parfaite et soignée que ne l'était la mienne. Il semblait encore tellement jeune ... J'aurais beaucoup de choses à lui dire, de questions à poser... J'en ferais mon élève, si toutefois il m'acceptait comme enseignant.

Invité

Ruki était impressionnant. Jamais je n'aurais imaginé qu'il puisse venir me parler comme ça, de lui-même. J'avais baissé les yeux probablement pour ça, je n'étais rien ici ni pour les employés, ni pour mes employeurs, ni pour les clients, je ne méritais pas que quelqu'un d'aussi doué que lui vienne me parler et je l'avais toujours bien vécu même si je l'admirais secrètement depuis mes premiers jours dans le Club. Je terminais de ranger ma jolie robe sur un cintre et la lissai doucement une fois ranger dans mon casier assez vaste pour la contenir. Je passai la main une nouvelle fois dessus et je finis par mettre mon sac sur l'épaule en refermant la porte du casier à clé. Je relevai alors doucement les yeux vers lui avec un petit sourire.

Je fus encore plus surpris lorsqu'il posa une main dans mon dos. Son sourire était tellement mignon et sans doute des étoiles se mirent à briller dans mes yeux. Ruki qui me parlait et me souriait à moi Hizaki l'invisible du Night Club. Je sentis mon souffle se couper lorsqu'il se pencha à mon oreille pour me murmurer quelques mots. Une invitation pour boire un café, incroyable. Je n'en revenais pas et je tournais la tête vers pour le regarder. Etait-il sérieux ou est-ce qu'il jouait avec moi comme les autres faisaient ? Non, je ne voulais pas croire que Ruki était comme ceux-là, il n'était pas méchant je le savais et lui aussi était souvent seul alors pourquoi se mettrait-il à me faire de mauvaise blague lui aussi ? Ses yeux étaient brillants probablement à cause de sa soirée et il avait l'air fatigué mais sincère et honnête. Je lui souris légèrement et hochai doucement la tête.

« Si ma compagnie ne te déranges pas...je...j'accepte avec plaisir... »

Savait-il à quel point je le trouvais parfait ? Savait-il à quel point j'aurais aimé lui ressembler ? Lui, il ressemblait à un homme. On savait ce qu'il était quand on le voyait et ça ne l'empêchait pas d'avoir un côté féminin que les vampires adoraient. Savait-il seulement que je l'enviais et que j'essayais de faire de mon mieux ici en partie à cause de lui ? Mon père, mon mécène et mon idole. Je souris un peu en rougissant. J'espérais vraiment qu'il ne le savait pas sinon je crois que j'aurais eu vraiment honte et que je serais parti en courant pour rentrer chez moi.

Je tournais les yeux vers les autres hosts qui s'étaient remis à parler en voyant Ruki se pencher à mon oreille et ils ricanèrent quand ils virent que je les regardais. L'un d'entre eux mima un geste répugnant et je détournais les yeux en resserrant ma main sur la lanière de mon sac.

« Allons nous en vite....s'il te plait... »

Je n'attendis pas sa réponse et je me précipitai à pas rapide vers la sortie pour m'éloigner le plus vite possible des commères du club. J'étais trop fatigué pour supporter un peu plus leurs moqueries et je ne voulais pas pleurer. Je préférais prévenir que guérir et jusqu'à présent, cela avait toujours fonctionné à la perfection. J'espérai juste que Ruki m'ait suivi, sinon il ne me resterait plus qu'à rentrer chez moi en ayant rêvé notre petite conversation, sa main dans mon dos et son souffle dans mon oreille.

Invité

Hizaki semblait impressionné. En même temps je crois bien que n'importe quel host que j'aurais pu aller voir aurait eu une réaction semblable. J'étais tout bonnement le premier, et le solitaire, jamais je n'allais vers les autres, et eux me jalousaient bien trop pour vouloir ne serait-ce qu'essayer de venir faire ma connaissance, alors, je restais seul, et je m'attendais toujours à voir les regards briller, les joues rosir, lorsque je m'adressai à quelqu'un qui n'était ni le patron, ni un client. Les autres hosts... Les jaloux, les envieux, les idiots, les méchants. Je pensais au petit blond que je venais, sur un coup de tête, de nommer mon disciple. Oui, c'est ce que j'avais envie de faire de lui, Hizaki méritait mes conseils et ma compagnie, bien plus que n'importe lequel de ces obsédés vendus. Il aurait à souffrir de plus dures moqueries et des peines sûrement lourdes à trainer en ma compagnie, mais ce n'était rien en comparaison de ce que je lui apporterai en tant que mentor, et peut être même, en tant qu'ami, s'il voulait de moi.

« Si je viens te la réclamer c'est qu'elle ne me dérangera pas... »

Je lui souris, il avait l'air un peu perdu, ce que je pouvais comprendre. Peut être croyait-il que je me moquais, comme les autres ? En tout cas, je pouvais lire l'étincelle de doute dans ses yeux une fraction de seconde avant qu'il ne se mette en fait à rougir en me dévisageant. Il devait se douter que sa réflexion n'était rien de plus que stupide et il devait savoir qu'il pouvait me faire confiance... Que pensait-il de moi ? J'étais curieux... dans cette situation, je rêvais encore plus du jour où je deviendrai enfin vampire et où les pensées des mortels me seraient révélées... Ce jour là, je deviendrai le plus heureux des hommes... encore fallait-il qu'il arrive et pour cela, que je trouve le vampire adéquat, chose qui s'avérait loin d'être simple.

Dans notre dos, les chuchotements et ricanements de nos collègues avaient repris de plus belle alors que j'avais simplement invité mon nouveau compagnon à venir prendre un café. J'avais besoin de diluer les restes d'alcool qui trainaient encore dans mon sang si je voulais pouvoir dormir d'un sommeil sans rêves, autrement je savais que des cauchemars viendraient troubler mon repos et avec ce genre de nuit, je me réveillais avec un visage affreux. C'était tout bonnement hors de question.
D'un coup, Hizaki sembla bien pressé et je n'eus pas même le temps de lui répondre que je le vis filer hors du vestiaire et même du club. Je l'aurais bien suivi à la même vitesse, mais j'avais les pas mal assuré et les murs semblaient tanguer autour de moi. Il me fallait m'appuyer au mur pour ne pas prendre de risques et je descendais ainsi jusqu'à l'extérieur où je retrouvais mon petit invité.

« Le bar en face reste ouvert toute la nuit, et on sera tranquilles. »

Si nous restions dans le club, nous aurions à supporter les autres hosts, et ce n'était pas ce dont j'avais envie pour cette soirée, ni Hizaki, visiblement.
Lui proposant mon bras, surtout pour pouvoir me retenir à lui en cas de problème, je l'entrainais dans le bar concurrent et allait nous prendre une table d'angle pour me laisser tomber mollement sur la banquette de cuir sombre. Je soupirais, fermant les yeux une seconde avant de les rouvrir sur Hizaki.

« Comment était ta soirée, Princesse ? »

Invité

Je m'étais précipité dans les escaliers presque en courant sans m'apercevoir que Ruki ne me suivait pas. Je voulais seulement m'éloigner des chuchotements, des commentaires moqueurs et blessants des autres employés. Je savais faire avec, je le faisais très bien depuis un an maintenant. Mais il y avait des jours où cela devenait insupportable. Comme si les chuchotements et les remarques s'amplifiaient au creux de mon oreille jusqu'à ce que je n'entende que des insultes et des ricanements méchants. Crier et hurler n'aurait servi à rien, pas plus que si je leur avais demander d'arrêter. Non pour moi, la seule chose à faire était de m'éloigner à ces moments là. C'était souvent possible puisque je les côtoyais avant et après le service surtout. De cette façon, je pouvais fuir vers le travail quand c'était avant et tout simplement m'en aller lorsque c'était après. Jamais je ne restais en leur compagnie plus d'une dizaine de minutes.

J'arrivai enfin dans la rue mais lorsque je me retournai. Personne. Un soupir s'échappa de mes lèvres. A quoi est-ce que je pensais quand je croyais que Ruki m'avait vraiment invité à boire un café. Il était sans doute resté avec les autres pour se moquer...même si ça faisait encore plus mal venant de lui. Mais à peine eus-je pensé ça que la porte s'ouvrit à nouveau sur un roux fatigué. Je ne pus m'empêcher de sourire de soulagement et je m'approchais de lui pour lui tendre mon bras et qu'il puisse prendre appuis dessus. Ruki était différent. Je ne devais plus en douter. Il me sourit et m'entraina vers le bar d'en face, nous installâmes à une table à l'écart et je l'aidai à s'asseoir. Il n'avait vraiment pas l'air bien. Je commandai donc moi-même un expresso pour lui et un thé vert pour moi. Je m'assis face à lui et le regardai, peut-être un peu trop fixement. J'étais tellement surpris de me retrouver dehors en compagnie de lui que je me demandai si ce n'était pas un rêve.

Sa question me ramena à la réalité. Les pieds sur terre et bien ancrés car en plus de ça, elle était douloureuse. Je finis par baisser les yeux en regardant mes mains que j'avais jointes sur la table. Ma soirée. Comme celle d'hier...d'avant-hier...d'avant-avant-hier. Je n'avais rien à dire dessus car il ne s'était rien passé. J'avais servi des verres, des bouteilles de sang, et même pire que les autres soirs, je sortais sans aucune morsure. Je finis par répondre, je n'aimais pas me plaindre et je ne voulais pas qu'il se moque de moi.

« Oh...comme d'habitude, le boulot quoi... »

On nous apporta rapidement notre commande. Faut dire qu'il n'y avait pas grand monde à cette heure-ci et je sortis mon porte-monnaie pour payer. Bien que j'aurais dû garder l'argent pour payer l'hôpital, je ne voulais paraître impoli et puis Ruki n'était pas en état de compter ses sous. Je payai donc pour nous deux et laisser le serveur s'éloigner en grognant que je ne laissai pas de pourboire. Qu'il vienne à ma place. Sans réagir à la réaction du serveur, je rangeais mon porte-monnaie tranquillement. J'avais appris à ne plus faire attention à ce genre de chose, je l'entendais oui, mais je les laissais dire. C'était bien trop fatigant de leur demander des explications et des excuses et je n'avais pas le temps. Je venais tout juste de commencer mon deuxième emploi et si ma montre était à l'heure, je commençais dans six petites heures. C'était un mi-temps car je n'avais pas le temps de dormir sinon, mais c'était toujours ça en plus.

Je redressai légèrement la tête pour regarder Ruki. Il ne devrait pas boire autant, c'était un coup à se détruire le foi, le savait-il ? Et s'il avait fait un coma éthylique ?

« Pourquoi...buvez-vous autant alors que vous ne le supportez pas ?...C'est dangereux... »

Je fermai la bouche. De quel droit est-ce que je lui donnais des conseils ? Je n'étais rien et même si je m'inquiétais pour sa santé, il savait pertinemment ce qu'il pouvait faire ou pas pour lui-même. Il était adulte et responsable peut-être même bien plus que moi.

« Excusez-moi...je n'ai pas à me mêler de vos affaires...c'est juste que je n'aimerais pas s'il vous arrivez quelque chose... »

Invité

Mon plus gros défaut en tant qu'host avait toujours été ma meilleure qualité pour les clients, je savais repousser mes limites au delà du raisonnable et même si cela finissait presque toujours douloureusement, c'est ce qui faisait de moi le meilleur, et de loin. Mais ce soir j'avais sûrement trop tiré sur la corde et même si je m'étais efforcé de rendre tout l'alcool ingurgité, je ne me sentais pas mieux. J'étais tellement imbibé que je me demandais encore comment je pouvais bien tenir sur mes jambes et avoir un niveau de conversation cohérent. Enfin, apparemment je n'avais pas besoin de me poser ce genre de questions puisque visiblement Hizaki me comprenait, et pour l'instant je n'avais pas besoin de plus.
Je le laissais s'en aller à pas rapides, devinant qu'il devait avoir du mal à supporter les brimades des autres et je ne pus m'empêcher de sourire légèrement devant l'expression de soulagement qu'il afficha en me voyant le rejoindre. Avait-il cru que je l'aurais laissé en plan après l'avoir moi même invité ? C'était mal me connaître... je n'étais pas l'un des autres hosts, j'étais Ruki.

Grâce au petit blond, j'arrivais sans encombre jusqu'au bar où il m'aida à m'installer après avoir supporté le poids de mes pas mal assurés. Je le remerciais doucement, légèrement embarrassé. Je détestais me montrer ainsi, aussi faible et fragile, mais je ne pouvais pas prétendre être d'une excellente constitution. Je faisais toujours de mon mieux, mais arrivé aux limites du corps humain, que pouvais-je faire de plus ? Je laissais même mon invité commander, et j'allais rouspéter lorsqu'il paya alors que j'étais celui qui avait lancé l'invitation, avant de réaliser que j'aurais été bien incapable de régler la somme demandée, ni même de fouiller dans mes poches pour en tirer les pièces de mes nombreux pourboires sans les faire tomber dans toute la pièce et attirer l'attention sur nous... Non, je profitais plutôt de cet instant où Hizaki gérait pour me reposer les yeux, passant la main sur mon front brûlant pour le dégager de quelques mèches de cheveux qui revinrent à leur place presque aussitôt. Je levais les yeux vers Hizaki. Son regard était profond et sombre, mais il me semblait pouvoir m'y accrocher et alors que je m'y perdais, j'oubliais que les murs, et le bar tout entier tanguaient autour de moi. Il répondit à ma question avec lassitude et je réalisai qu'elle était plutôt mal placée, car je savais qu'il avait du mal à évoluer dans ce que je pourrai appeler... mon univers.

« Tu m'as semblé t'ennuyer ce soir... »

Entre deux clients, j'avais pu observer plusieurs fois la petite princesse du club, le regard perdu dans le vide ou dans la contemplation d'un verre plein de liquide pourpre... Le pauvre devait désespérer de ne pas réussir à attirer la clientèle comme nous autres savions plus ou moins bien le faire, et pourtant il ne lui manquait pas grand chose, car il était bien loin d'être désagréable à regarder, et n'étant même pas vampire, je me plaisais déjà à imaginer mes lèvres contre sa peau claire et laiteuse... Ce qui n'allait pas avec lui se trouvait dans sa tête, et il avait besoin de l'aide de quelqu'un pour s'en rendre compte et améliorer sa situation... besoin d'une aide... comme la mienne.

L'expresso était là, devant moi, et je soupirais doucement en l'attrapant entre mes doigts tremblants pour porter la tasse à mes lèvres et finalement, je le bus d'une traite. Le liquide épais et brûlant me déchira la gorge, mais c'était tellement bon que j'en soupirais d'aise.D'un geste de la main, je rappelais le serveur. Il m'en fallait un autre.
Écoutant la question d'Hizaki, je souris légèrement alors que ma main alla attraper un billet dans la poche arrière de mon pantalon, je le posais près du plus jeune pour le laisser régler et je l'écoutais s'excuser avant même m'avoir laissé le temps de lui répondre...

« La première règle si l'on veut plaire au client, c'est de ne jamais rien leur refuser... Ce vampire là aime le sang très alcoolisé, alors j'ai bu... autant qu'il le fallait pour le satisfaire. »

Je lui souris un peu et regardais le serveur apporter ma deuxième tasse. Soufflant doucement dessus, je levais les yeux vers Hizaki dont la première leçon pouvait enfin commencer. Il m'amusait un peu, comment pouvait-il dire qu'il n'aimerait pas s'il m'arrivait quelque chose, alors que nous nous parlions ce soir pour la première fois ..? Se sentait-il déjà proche de moi ? Je baissais les yeux vers son thé avant de poursuivre.

« Ce genre de difficultés font parties de notre métier... Plus on sait repousser nos limites, plus les vampires nous apprécient. »

Invité

Mes yeux s'agrandirent et ma bouche s'entrouvrit en voyant Ruki avaler son café en un seule et unique gorgée. Mais qu'allions nous faire maintenant que lui avait terminé ?! Je n'aimais pas terminer en dernier ma commande car je ne voulais pas que mes vis-à-vis perdent du temps à cause de ça, mais là...je n'avais même pas eu le temps de verser l'eau chaude sur mon sachet de thé ! Incroyable. Mais je fus soulagé en le voyant commander un autre expresso immédiatement et je versais l'eau dans ma tasse. Un nuage de vapeur blanche et poudreuse s'en échappa et je soufflai dessus doucement pour la disperser légèrement. Si je pouvais éprouver certains plaisirs dans cette vie, boire du thé en faisait vraiment partie. J'aimais tout de cette boisson, de la vapeur, de l'eau, jusqu'à la sensation amère qu'elle laissait parfois dans la bouche et même parfois la brûlure qu'elle provoquait si je me précipitais trop à la boire. Je souris légèrement en regardant le mélange prendre une teinte vert feuille agréable à l'œil. Je ne pouvais m'en empêcher. C'était peut-être bizarre mais si je ne pouvais pas en boire, quelque chose manquait à ma journée. Voilà pourquoi j'en buvais déjà un dès mon réveil pour être certain de passer une bonne journée de ce côté là.

Mon attention revint vers mon aîné quand il affirma qu'il m'avait vu m'ennuyer ce soir. Ennuyer n'était pas vraiment le terme exact. Mais qu'en savait-il lui qui avait tout le monde à ses pieds ? Pensait-il sincèrement que je n'appréciais pas mon travail ? Que je n'y mettais pas tout mon cœur pour arriver jours après jours à arracher l'attention d'un vampire pour qu'il choisisse ma compagnie au lieu de la sienne ? Savait-il seulement ce que cela faisait d'être invisible ?
Mon visage ne montra aucune colère, je n'en éprouvais pas. Ni de reproche, je n'en avais pas à formuler. Seulement les termes qu'il avait employé étaient inexacts. Si j'avais eu le choix, j'aurais mille fois préféré être en compagnie d'un vampire à faire tout ce qu'il me demandait que j'aime ou non. Mais comme toujours, je n'avais été qu'un simple serveur, amenant les verres que l'on me demandait et me déhanchant sur scène quand ce fut mon tour sans sentir un seul regard se poser sur moi.

« m'ennuyer n'est pas...vraiment le terme exact vous savez... » affirmais-je doucement.

Il posa alors un billet devant moi et je levai les yeux vers lui en comprenant que je devais payer le second café avec ça et vérifier s'il y avait bien la monnaie exacte avant de la lui rendre. Ce que je fis quand le serveur arriva, discrètement je recomptais avant de glisser l'argent vers Ruki pour qu'il puisse le remettre dans sa poche. Étrangement, ça ne me dérangeait pas de jouer les chaperons bien que je sois plus jeune, novice et inexpérimenté; mais l'alcool dans son sang semblait annihilait ses facultés de précisions et c'était avec plaisir et naturel que je l'aidais.

Seulement voilà, je lui avais fait une remarque déplacée et bien entendu, il me répondu. Je cru un instant que c'était pour me remettre à ma place. Nous ne nous connaissions pas vraiment, ni l'un ni l'autre n'avions à nous juger sous prétexte que l'on prenait un verre ensemble. Mais ce ne fut rien de tout ça, bien au contraire. Sa voix était calme et douce, presque amusée mais sans être méchante. Son ton lui était celui du conseil. Ruki...Ruki en personne me conseillait ? Moi ? Le novice invisible du club ? Mes yeux se mirent à étinceler de joie même si je me demandais pourquoi Ruki s'intéressait-il à moi. Mais à quoi bon me poser la question quand le résultat était aussi plaisant ? Pour la première fois de ma vie depuis que Maître Gackt m'avait embauché, quelqu'un d'important et influent faisait attention à moi et c'était un peu magique pour moi. J'hôchais alors doucement la tête car il n'avait pas fini de parler.

Et il n'avait pas tort. J'étais d'accord avec lui. Il ne fallait rien refuser aux clients. Normal. Il s'agissait de clients, mais...

« Je...je suis d'accord Monsieur mais...encore faut-il que les vampires demandent quelque chose pour pouvoir accepter... »

J'eus un léger sourire, un peu honteux car cela montrait à quel point je n'étais pas désirable pour les immortels. C'en était désespérant à force.

Invité

Je sentais encore la tracée du café dans ma gorge, la brûlure douloureuse s'était dissipée mais je pouvais encore sentir la chaleur du liquide qui m'avait traversé rapidement alors que je m'étais jeté dessus. Hizaki en sembla d'ailleurs choqué et je ne pus me retenir de sourire devant son expression, d'abord effarée puis soulagée en voyant que j'en commandais un autre. Il me faudrait plus qu'un petit expresso pour décuver... Était-il si sage que ça, pour ne pas le savoir ? J'aurais décidément beaucoup à lui apprendre... Mais, ça ne me semblait pas être un énorme problème. Sa présence me plaisait, je ne me sentais pas mal à l'aise en sa compagnie et son aura ne dégoulinait pas de jalousie. Il était simple et naturel, plutôt sympathique bien que trop réservé. Je comprenais toutefois, après tout, les autres passaient leur temps à se moquer de lui, peut être même à lui faire des coups bas... S'il n'avait pas de clients, je songeais à plusieurs possibilités. Tout d'abord il était clair qu'il n'avait pas l'assurance nécessaire pour les attirer, mais c'était un détail que je lui ferais rapidement changer. Ensuite, les autres devaient bien avoir tout fait pour détourner les clients du nouveau et les garder pour eux... toute une armada contre un, ça n'avait rien de compliqué bien que je trouvais ça lâche et mauvais. Hizaki ne menaçait pas nos profits, il ne demandait qu'un peu de travail ... Et tout le monde semblait déterminer à faire qu'il ne puisse pas gagner un centime de plus que sa maigre paye d'host ... sans pourboires.

Même si je semblais bien loin, bien au dessus de tout cela, je n'étais pas ignorant de ce qu'il se passait ... sous mon toit, si l'on peut dire. Après huit années passées à travailler dans ce club, j'en connaissais tout les secrets et probablement tout les clients, hormis les plus récents ... des hosts, j'en avais vu passer des tas, la plupart ne restaient pas plus de deux ou trois ans, évoluant pour devenir danseur, serveur, ou finissant tout bêtement par se faire tuer. A trop en demander, il y a bien un moment où il faut se méfier...
Hizaki paya ma commande et repoussa l'argent vers moi. Je n'y touchais pas. Peut être commanderais-je un autre café, ou alors, cela reviendrait comme pourboire au serveur. Je n'avais pas besoin d'autant d'argent, et j'aurais préféré que le petit blond le récupère, mais il ne faisait pas la mendicité et je ne voulais pas qu'il s'imagine que je le prenais en pitié. J'avais simplement envie de l'aider, de donner une autre dimension à mes compétences, pour qu'elles soient utiles à un autre qu'à moi, pour une fois.

« Je sais que le mot... n'était pas approprié. Mais dans mon état, excuse-moi, mon vocabulaire est limité. »

Souriant doucement, je portai la petite tasse à mes lèvres pour en boire une gorgée que je savourais plus que je n'avais apprécié ma première consommation. J'espérais tout de même ne pas avoir froissé la petite princesse du club, car ça n'avait pas été mon intention.
Comme je m'y attendais, il acquiesça fasse à mes premières explications, les yeux brillants pour une raison qui m'échappait encore, mais alors qu'il répondit, son visage sembla s'attrister et son sourire honteux ne me plut pas beaucoup.

« S'ils ne te demandent pas, tu dois aller à eux. Ce n'est pas simple au début mais il n'y a que comme ça qu'on finit par les convaincre. Tu dois gagner de l'assurance Hizaki... »

Je baissais les yeux vers son thé pour regarder les petites volutes de fumée qui s'en échappaient. Comment lui expliquer sans le brusquer, sans le vexer... Il m'avait l'air tellement fragile que je craignais de le briser rien que par mes mots. Un peu plus tôt déjà, si nous n'étions pas parti rapidement des vestiaires, je pouvais deviner qu'il aurait fini par pleurer... mais le faire pleurer n'était pas mon but, loin de là.

« Si tu l'acceptes, j'aimerai faire de toi une vrai Princesse. Le host qu'il manque à notre équipe c'est celui à l'élégance féminine et à la fraicheur juvénile que tu pourrais incarner. Il ne te manque qu'un peu de soutiens, et je pourrais donner ma recommandation à quelques clients quand tu auras ... gagné en confiance en toi. »

Ayant terminé, je relevais les yeux vers lui, plongeant mon regard dans le sien en espérant sincèrement qu'il ferait un choix judicieux. Celui d'accepter mon aide.

Invité

Ruki ne toucha pas à la monnaie que j'avais repoussée vers lui. Sans doute prévoyait-il de prendre un autre café et cela me fit sourire légèrement. Je le regardais un instant et je comprenais alors pourquoi il avait tant de succès. Le charisme et la confiance en lui qu'il dégageait étaient impressionnant et imposait le respect. Pouvais-je moi aussi devenir comme ça ? Rien n'était moins sûr mais j'étais motivé et j'étais capable de tout pour réussir dans ma profession. Ma motivation était même tellement forte qu'on aurait pu croire que le métier d'host était ma vocation. Peut-être, ou pas. Le fait était que je ne voulais pas gâcher la chance que Maître Gackt m'avait offert. Je souris légèrement en l'entendant. Il fallait avouer que son état d'ébriété avancé pouvait brouiller ses facultés, j'avais été peut-être un peu vif, mais j'étais toujours tendu quant à ce sujet là.

Il porta la tasse à ses lèvres pour en boire une gorgée et je continuais de le regarder. Ses lèvres étaient pleines, ses traits fins et pourtant assez masculins. En tout cas bien plus que les miens. Son regard, même s'il était brillant à cause de l'alcool, était vif et profond. Me rendant soudain compte de ce que je faisais, je baissai les yeux vers ma tasse pour en boire une gorgée. Le thé était encore chaud et ça me faisait du bien. Mais j'écoutais les paroles de Ruki en même temps et je ne pouvais que confirmer qu'il avait raison. Je ne savais pas ce genre de chose mais au fond de moi je savais qu'il avait raison, d'autant que je pouvais prendre ses conseils comme de très bons conseils.

Je relevais une fois de plus les yeux vers lui, prenant soin de ne pas trop le fixer pour ne pas l'ennuyer. Et la nouvelle m'assomma presque. La proposition de Ruki était tombée comme une fleur de lotus sur mon thé chaud en se posant doucement comme déposée par le vent. Et j'en étais sidéré. J'étais resté silencieux jusqu'à ce moment là, pour le respecter, pour attendre qu'il ait terminé de parler. Et puis qu'avais-je à rajouter à ce qu'il avait dit plus tôt ? Je n'étais qu'un novice. Et là...ce soir...après un service plus effrayant de banalités que d'habitude...Il me proposait de m'enseigner. Lui. Ruki. Je le regardai avec étonnement et je me mordis la lèvre inférieure inconsciemment. Ma vie allait peut-être changer. Et ce grâce à lui.

« Monsieur Ruki...ce serait tellement gentil de votre part. »

Je ne pus retenir un sourire franc et sincère. J'étais vraiment heureux et je ne pouvais le cacher. Je n'étais pas quelqu'un de naturellement triste, je me réjouissais souvent pour peu de choses mais cette fois...cette fois c'était bien plus que peu de choses.

« J'aimerais tellement vous ressembler, vous êtes si charismatique....et populaire... Ce serait vraiment un honneur si vous m'aidiez... Je ferais de mon mieux je vous le promet ! »

Mon sourire s'étira un peu alors que je baissai la tête en rougissant légèrement. Je n'avais pas prévu de lui dire autant de compliments, ils m'étaient venus tout seuls sans que je ne les contrôle. Peut-être me prendrait-il pour ce que je ne suis pas et je ne le voulais pas. Mais si j'arrivais à avoir ne serait-ce qu'un peu de la confiance en soi qu'il avait, je me sentais prêt à faire beaucoup de grandes choses. Enfin grandes...prendre soin de mon père serait déjà exceptionnel. Si Ruki ne changeait pas d'avis, il allait changer ma vie.

Invité

J'avais baissé le regard vers les pièces pour éviter de voir le plafond et les murs qui se remettaient à tanguer inlassablement autour de moi. Je détestais réellement être dans cet état pitoyable et me maudissait de ne pas être né avec une meilleure constitution. Au moins, j'avais cette maigre consolation qui était que le café ne passait pas trop mal, j'aurais pu le rendre, et je n'aurais pas aimé cela... De plus que je ne devais plus rien avoir dans l'estomac, autrement dit, mieux valait que ce qui y entrait maintenant y reste si je ne voulais pas me déchirer la gorge et souffrir d'avantage le lendemain soir.
C'était l'un des pires inconvénients du métier d'hosts à mon sens ... Les limites du corps humain. Je soupirais doucement. Une fois devenu vampire, je n'aurais plus jamais à me soucier de tout cela, j'allais être libéré de toutes mes craintes, vieillir, m'enlaidir, souffrir ... Bon, les vampires souffrent peut être... mais ce doit être plus supportable, avec le recul et le temps dont on dispose pour se remettre de ses malheurs... Alors qu'un mortel peu gâcher la moitié de sa vie en la menant avec douleur. Je ne voulais pas d'une telle vie... j'attendais toujours mon créateur, chaque soir, en accueillant mes clients. Je savais qu'un jour, il finirait par se montrer...

Une nouvelle gorgée de café vint me brûler la gorge alors que je relevais les yeux vers celui que j'aimerai désormais appeler « mon petit protégé ». Hizaki avait l'air si fragile, si... si doux pour se trouver dans un monde aussi dur et cruel envers les personnes de son espèce. Je m'en voulais de ne pas lui avoir proposé mon soutien plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais, non ?
Un très léger sourire passa sur mes lèvres tandis que je remarquais qu'il me dévisageait littéralement. Prenait-il enfin la liberté de me regarder plus en détail qu'il ne l'avait fait ? J'en étais quelque peu gêné. Il ne me voyait pas au mieux de ma forme ni le mieux disposé à être regardé... Je devais avoir une mine affreuse, le teint trop pâle, les yeux cernés, les lèvres sèches. J'aurais intérêt à forcer le maquillage le lendemain si je voulais pouvoir me faire quelques bons pourboires comme d'habitude... A moins que je ne prenne cette soirée pour coatcher le petit blond ... ce qui n'était pas tout à fait une mauvaise idée.

Son regard étonné m'aurait fait sourire mais je restais impassible pour ne pas qu'il croit que peut être, je me moquais de lui. J'attendais sagement une réponse de sa part. De cette collaboration, nous avions tout les deux à gagner. Moi, je me ferais probablement mon premier « ami » mortel ... J'allais pouvoir exercer mes talents et voir s'ils sauraient au moins être profitable à quelqu'un. Et lui, s'il se montrait aussi bon élève qu'il semblait motivé à l'être, il pourrait enfin satisfaire sa clientèle et empocher l'argent dont il avait besoin... Car je sais très bien que la plupart des hosts le deviennent plus par nécessité que par vocation, mon cas étant à part.

« Pour commencer... j'aimerais que tu m'appelles Ruki, et pas Monsieur Ruki. Tu me vieillis, Princesse. »

Je lui souris un peu. De mon côté j'avais décidé également et s'il me le permettait, je le surnommerai ainsi car il me semblait que ce titre lui revenait de droit. D'ailleurs, il le portait à merveilles, surtout lorsqu'il revêtait ces robes qui lui faisaient office de tenue de travail... J'avais trouvé ce choix risqué, audacieux et original. Il ne restait qu'à faire en sorte qu'il lui soit profitable désormais.

Son sourire me réchauffa le cœur et je fus comblé en entendant qu'il acceptait, et la joie avec laquelle ma proposition fut accueillie. Il avait l'air d'un enfant avec ce sourire, mais un enfant radieux dans un monde de ténèbres ... Il me plaisait beaucoup, je ne pouvais le nier.
Un flot de compliment me parvint avant qu'il ne finisse par baisser la tête, les joues rosies par l'embarras. Je ris doucement, agréablement touché par son attitude simple et polie. Il était adorable... Il devait le savoir, ou si ce n'était pas le cas, je me devais de le lui faire savoir.
Tendant la main, je posais doucement les doigts sur les siens pour les serrer un peu. Je me rendais compte que sa peau était tiède comparée à mes doigts glacés, ravages de ma soirée alcoolisée.

« A partir de maintenant alors, tu es mon élève. Je ne veux plus voir d'hésitation dans ton regard, tu vas apprendre à gagner de l'assurance, pour commencer, puisque c'est de ça que tu auras besoin avant toute chose avec tes clients. Tu dois les accueillir avec le sourire, pas un sourire trop franc et trop direct, ils doivent avoir envie de te découvrir, de savoir pourquoi. »

Comment pouvais-je continuer la leçon sans être en situation ? Il aurait fallut que nous jouions, mais il était trop tard et j'étais un peu trop ivre pour jouer un vampire crédible...

« J'aimerais te donner rendez vous chez moi. Pour... des leçons. J'ai peur de ne pas avoir les idées assez claires ce soir. »

Prenant une nouvelle gorgée de café, je fermais les yeux doucement, avant de les rouvrir sur la petite Princesse, espérant ne pas m'être montré trop brusque.

Invité

Ruki buvait son café avec un calme incroyable. Jamais je n'aurais su avoir une telle contenance après la soirée qu'il avait passé. Et pourtant, il arrivait encore à tenir debout avec des propos cohérents. Je l'admirais encore plus si c'était possible. Il commença par me demander de l'appeler Ruki tout simplement et je souris légèrement en hochant la tête. C'était par simple respect que je l'avais appeler Monsieur et ça ne semblait pas lui convenir. J'en changerais immédiatement, j'aimais appeler les gens par leur prénom, je trouvais cela plus sympathique...même avec Maître Gackt, plusieurs fois j'avais oublié la mention de son titre, il ne m'en avait pas tenu rigueur cette nuit que j'avais passée avec lui. La fin de sa demande fut ponctué par un mot qui me fit chaud au cœur. Il m'avait appelé Princesse et venant de lui, je prenais ça pour un véritable honneur. Qui pouvait se vanter d'avoir reçu un si magnifique surnom de la part de Ruki ? Peu de personne, je l'espérais intensément au fond de moi.

Il m'écouta avec attention alors que je le complimentais. Il n'en paraissait pas gêné et cela me toucha. Il posa alors sa main avec une douceur infinie sur la mienne. Un frisson me parcourut légèrement à son contact, peut-être même de l'électricité alors que j'avais de nouveau levé les yeux vers lui pour l'écouter parler. Sa main était gelée, tout autant que ses doigts et inconsciemment je posais mon autre main sur la sienne pour qu'elle se réchauffe un peu. Ses paroles étaient une véritable bouffée d'air pur et je hochais encore la tête avec un léger sourire quand il parla du sourire qui devait accrocher les clients. Ni trop franc, ni trop timide...un brin mystérieux...allais-je y arriver ? Cela paraissait tellement difficile dit comme ça...

« Je m'entrainerais dur dans mon miroir dès demain... »

Je finis à peine ma phrase que je fus surpris d'entendre la suite et je rougis tout en souriant légèrement. Une invitation, chez lui ? Bien sûr que j'acceptais ! Comment pourrais-je seulement avoir l'idée de refuser. Ruki serait désormais mon professeur et j'apprendrais du mieux que je peux pour lui faire honneur. J'étais motivé, plus que jamais et j'avais enfin l'espoir d'un jour réussir ce travail pour lequel j'avais été engagé par Maître Gackt. J'avais de l'espoir car il était le meilleur professeur que j'aurais pu rêver d'avoir.

« J'accepte avec plaisir ! Ce sera surement plus pratique pour les leçons... »

Je le regardais, il n'avait pas l'air mieux...et je m'en voulais de le laisser rentrer seul dans cet état, je ne pouvais pas. Je serrai doucement sa main dans la mienne en le regardant avec inquiétude.

« Vous voulez que je vous appelle un taxi ?...Je ne veux pas vous laisser seul comme ça... »

Je le regardais encore et je finis par me lever. Je pris l'argent que je glissais dans la poche intérieure de sa veste. Sans en profiter. Je suis loin d'être comme ça ! Puis je l'aidais à se relever sans être non plus trop insistant, je tenais simplement son bras et je le conduisis dehors. Je le laissais ensuite contre le mur de l'établissement pour rejoindre la route et stopper le premier taxi qui passerait, seulement à cette heure là...il n'y avait pas foule niveau taxi. Mais rien ne pourrait ébranler ma joie pour ce soir. Ruki...le plus populaire du Night Club était devenu mon professeur particulier et c'était lui-même qui me l'avait demandé. Mon sourire ne quittait plus mes lèvres, j'étais heureux.

Invité

J'avais à nouveau fermé les yeux lorsque je sentis une main douce et chaleureuse se poser contre la mienne. Souriant légèrement, je reposais mon regard sur la Princesse qui avait du sentir la froideur de mes doigts. Je m'en voulais de lui offrir une vision si pitoyable pour notre premier entrevue, mais après tout, c'était peut être cet excès d'alcool qui m'avait poussé à venir vers lui alors que j'entendais une énième fois les moqueries et bassesses des autres à son égard. Maintenant que le lien était crée entre lui et moi, je ne doutais pas que leur méchanceté serait décuplée à notre intention, mais Hizaki pouvait être certain que je ne les laisserai pas lui faire du mal. Désormais, il était mon élève et protégé, et en tant que son aîné, supérieur et professeur, je comptais bien veiller sur lui en plus de lui apporter mon soutien et mes conseils. Il me tardait déjà d'entamer cette collaboration... Et aux dires du petit blond, je n'étais pas le seul à être pressé.

Hizaki pensait déjà à mettre en application les premiers petits conseils que je lui avais donné. S'entraîner à sourire devant son miroir... J'hochais doucement la tête, c'était exactement ce qu'il lui faudrait faire... Moi, depuis mon plus jeune âge j'avais passé mon temps devant les miroirs, absorbé par la contemplation de mon propre visage, car je n'aurais pas de honte à l'avouer, je suis très narcissique en plus d'être soucieux de ma beauté... Je tiens à ce qu'elle dure, et je tiens à rester parfait aussi longtemps que cela me sera possible. J'avais eu tout le temps de m'entraîner à posséder différents sourires ... ceux qui suggèrent, ceux qui invitent, ceux qui intriguent ... Je me ferais un véritable plaisir d'enseigner tout cela à Hizaki, puisqu'il acceptait mon invitation.

« Ce sera amusant... et enrichissant pour toi comme pour moi. »

Je lui souris, baissant les yeux sur ma tasse pour terminer mon café. Je pouvais sentir le regard du plus jeune sur moi mais n'avait plus le courage de relever la tête. L'alcool m'avait réellement assommé et maintenant que ses effets se dissipaient, c'était au tour du sommeil de prendre place... Je baillais doucement, une main devant la bouche, par politesse, avant d'entendre mon vis à vis proposer de m'appeler un taxi. J'acquiesçai en le remerciant à mi-voix avant de le laisser m'aider à me relever et ranger les pièces dans ma poche.

« Merci Hizaki... j'aurais tout mis à côté si j'avais essayé. »

Riant doucement, je me laissais ensuite entrainer à l'extérieur avant de me poser contre le mur pour l'observer alors qu'il cherchait avec ferveur un taxi pouvant me reconduire à mon appartement. Il semblait réellement motivé et heureux de notre rencontre, de ma proposition. Je dois bien avouer que notre petite discussion m'avait également rendu plutôt enthousiaste, j'avais hâte de voir ce que nous réserverait cette petite association : le bleu et le numéro un. Mais j'étais plutôt confiant, Hizaki semblait disposer de potentiel, et d'une motivation plus qu'adéquate. Il ferait un parfait élève pour moi.

Enfin, un taxi s'arrêta et je regardais Hizaki lui parler un moment avant de revenir pour m'accompagner jusqu'au véhicule. Le regard brillant, je le regardais un moment avant de le remercier d'un baiser sur la joue pour ensuite monter en voiture, donnant au conducteur l'adresse de mon appartement. Nous n'avions pas eu besoin d'ajouter une parole de plus, de toute façon, nous allions nous revoir le lendemain au travail... et j'avais déjà ma petite idée quant à la manière dont je l'inviterai à venir dîner et commencer les « cours » chez moi. Arrivé à destination, je payais le chauffeur avec difficulté pour ensuite monter à mon appartement. J'allumais l'ordinateur et m'empressais de rejoindre le site d'un fleuriste connut en ville pour ses prix corrects et ses fleurs originales et parfumées. J'avais choisi d'utiliser l'argent de mes pourboires de la soirée pour envoyer à Hizaki un bouquet de roses blanches, y joignant une carte qui l'invitait à me rejoindre à mon domicile pour 19 heures, deux jours plus tard.
Ceci fait... Il ne me restait plus qu'à aller dormir, et peut être à rêver de ma petite Princesse...

|| Fin ||

» Hizaki *Shining Pearl*